vendredi 5 octobre 2012

0 Dépasser le dogme de la laïcité pour retrouver la civilisation française

Par Karim Ouchikh, président exécutif de Souveraineté, Indépendance et Libertés

Pour la plupart de nos contemporains, la France reste la patrie des droits de l’homme, le creuset d’un territoire indéfinissable dont la vocation multiculturelle serait désormais consubstantielle à son être par l’effet aussi bien du principe d’égalité qui abolirait toutes différences entre individus que du dogme intangible de la laïcité qui imposerait la sécularisation salutaire des institutions politiques de notre pays.
Cette conception insipide de l’identité de la France, abstraite, universaliste, déracinée en somme, n’est pas la mienne. Pour moi comme pour beaucoup de nos compatriotes, la France demeure cette figure sacrée et intemporelle qui désigne tout à la fois une terre et un héritage historique. Nombre des repères charnels de notre pays s’éprouvent intensément, chaque jour, et à les parcourir en tous points géographiques de notre territoire, ces lieux insignes nous font mémoire d’une histoire à nulle autre pareille, laquelle nous relie, comme par un invisible trait d’union, dans une communion intime, aux générations passées de ceux de nos compatriotes qui ont peuplé nos contrées en y œuvrant patiemment pour les façonner des siècles durant : les paisibles collines de la douce Bourgogne, les rudes escarpements de la splendide cité épiscopale de Saint-Bertrand-de-Comminges, le vénérable chemin empierré qui mène au sanctuaire médiéval de la Vierge Noire de Rocamadour, les murs calcinés du village martyr d’Oradour-sur-Glane, l’émouvante basilique Jeanne d’Arc perdue aux confins de la fière Lorraine, les grandioses étendues boisées qui attirent irrésistiblement le regard de celui qui les contemplent sur les hauteurs de Colombey-les-Deux-Églises, autant de lieux considérables, parmi bien d’autres aussi marquants, dont la seule évocation des noms nous fait tressaillir au plus profond de notre âme.
Au fond, cette vision de bon sens partagée par nombre de Français, n’est-elle pas, vue de l’étranger, ce qu’en retiennent depuis toujours nos amis, russes, allemands, italiens ou argentins qui se rendent par centaines de milliers chaque année en France pour y découvrir et y admirer une civilisation singulière dont la dimension chrétienne, côtoyant sur notre sol son irremplaçable composante gréco-latine, n’est assurément pas le moindre des révélateurs de ses traits culturels dominants, même si l’influence véritable du christianisme, autrefois hégémonique, a connu des degrés d’intensité variables dans l’histoire de notre pays ? Depuis plus d’un siècle, les Français peinent pourtant à s’identifier à cet héritage indivis, sans doute en raison de la force du modèle officiel de société que l’on voudrait leur imposer, un modèle de société boiteux, sans guère de saveur, où le poids séculaire de la religion chrétienne, indispensable à la compréhension objective de l’identité sereine de notre pays, serait ignoré et banni de la vie quotidienne de nos compatriotes.
Adoptée le 9 décembre 1905 par un régime politique qui s’était juré d’éradiquer, partout sur le sol de notre pays, la moindre manifestation de l’influence, alors largement fantasmée, de l’Eglise catholique, la loi de séparation des Eglises et de l’Etat fut conçue d’emblée par les grands prêtres de la IIIe République comme l’instrument privilégié de la relégation de la religion chrétienne à la seule sphère privée. Par un glissement progressif, - qui doit tout à l’idéologie républicaine qui domine encore aujourd’hui les esprits de nos contemporains - cette loi emblématique, fondatrice du dogme de la laïcité, objet d’une propagande insensée, a été en effet appliquée, empiriquement, de telle manière que la dimension chrétienne de la civilisation française n’ait plus guère droit de cité, - si ce n’est dans les limites étroites de la conscience individuelle de chacun - en oubliant par là-même que cette loi sclérosante n’avait été destinée formellement qu’à imposer à l’origine à l’Etat une simple neutralité à l’égard de l’exercice des cultes. A y regarder de plus près en vérité, le principe de laïcité doit son immense succès d’estime autant à la constance de pensée et d’action de ses promoteurs qu’au concours passif de l’Eglise catholique de France qui, au fil des décennies, singulièrement après l’aggiornamento de Vatican II, a fait le choix délibéré d’enfouir pour longtemps son action pastorale en renonçant délibérément à mener toute initiative prosélyte visible, donnant ainsi pleinement crédit aux thèses maximalistes défendues par les partisans zélés de la loi de 1905. Avec l’apparition progressive sur notre territoire, ces trente dernières années, de millions de fidèles de confession musulmane, ressortissants français ou étrangers, le principe de laïcité s’est vu doter, grâce aux faveurs d’une opinion dominante complaisante, d’une arme nouvelle, toujours destinée à éroder l’influence de la religion chrétienne, celle de l’égalité théorique des religions. Déjà privé du statut de référent historique, le christianisme a été condamnée par la doxa à n’être plus qu’une religion banalisée parmi d’autres, se voyant même disputer, dans son triste rôle de religion déclassée, l’attention que les médias accordent désormais sans mégoter à une religion musulmane en pleine expansion autant qu’aux pratiques culturelles parfois régressives de ses fidèles, lesquelles demeurent dans les deux cas, singulièrement au regard du respect de la condition féminine, radicalement étrangères aux traits fondamentaux de la civilisation française.
Reste que le principe de laïcité qui, de fait, a si bien réussi dans son entreprise délibérée de désintégration du christianisme, éprouve les pires difficultés à déployer son emprise liberticide à l’égard d’un islam décomplexé, en quête d’un espace vital, qui se propose nullement de faire preuve du même esprit d’accommodement que celui dont fit preuve l’Eglise catholique de France tout au long du XXe siècle. Chacun voit bien que nombre de fidèles musulmans, toujours prêts à en découdre, n’entendent en rien renoncer à l’expression visible de leur foi dans l’espace public, quitte à y supplanter les symboles chrétiens autrefois présents, attendu en effet que l’islam refuse de reconnaître depuis toujours la pertinence du traditionnel distinguo ‘‘espace public/sphère privée’’ qui caractérise de longue date les rapports en société noués dans les pays de culture occidentale. Sauf à renoncer à l’application à l’islam de la loi de 1905, l’épreuve de force s’annonce donc inévitable : les fidèles musulmans et les autorités culturelles qui sont censés, avec le si peu efficace Conseil français du culte musulman, encadrer l’exercice de ce culte, devront donc se plier tôt ou tard aux strictes contraintes de la laïcité ‘‘à la française’’, en acceptant d’abandonner sans tergiverser toute manifestation publique de signes distinctifs (voile religieux, port ostensible de vêtements à caractère religieux, prières de rue, abattage des animaux destiné à la consommation humaine selon le rite hallal, présence de minarets. ;.), restant évidemment sauve la liberté de chaque croyant musulman de pratiquer sa foi comme bon lui semble dans son espace domestique. Mais alors, objectera-t-on, en appliquant avec une égale rigueur le dogme de laïcité en pareilles circonstances, ne devra-t-on pas, en vertu du principe d’égalité de traitement juridique des religions, faire preuve simultanément d’une détermination redoublée à l’égard des autres confessions pratiquées sur notre sol, et notamment à l’endroit de la religion chrétienne ? Autrement dit, ne va-t-on pas assister sous peu à l’éclosion d’exigences nouvelles émanant des ultras du laïcisme ou de fidèles musulmans qui réclameront, dans une visée symétrique, la fin des processions catholiques qui subsistent ici ou là, la sécularisation totale des tenues ecclésiastiques portées parfois par les prêtres et les religieux à l’extérieur des lieux de culte, la disparition des croix et des calvaires sur les chemins de nos campagnes, la laïcisation de la toponymie, d’inspiration chrétienne, qui identifient les noms de nos villes ou enfin la suppression des fêtes et jours fériés de notre calendrier grégorien qui porteraient la trace de leurs empreintes chrétiennes ? Ce n’est rien moins qu’un anéantissement de nature anthropologique qui guetterait alors la France….
Devant l’émergence à venir de semblables revendications, qui porteront alors en germe la disparition définitive de la singularité chrétienne qui imprègne tant la civilisation française, nos compatriotes se doivent d’exiger des pouvoirs publics, dans un même sursaut vital, malgré les probables résistances à venir, une refondation historique du principe rigide de laïcité, qui prendrait en considération, comme horizon métapolitique, la déliquescence accélérée de l’identité de la France qui s’opère irrésistiblement sur notre sol à la faveur de la crise de sens qui caractérise à ce point la pensée actuelle de nos contemporains. L’objectif est donc bien de replacer lucidement la composante chrétienne, entendue ici au sens large des racines judéo-chrétiennes de notre pays, au centre de l’identité culturelle de la France, - sans remettre pour autant en cause le caractère laïque de nos institutions - en introduisant délibérément dans le corpus de notre droit le principe de primauté de la culture chrétienne, ce qui requiert à coup sûr, dans le même temps, de rompre sans regret avec le dogme castrateur de l’égalité des religions. Cette révolution copernicienne de nos pratiques institutionnelles, qui réhabiliterait en France le concept de religion dominante, n’aurait rien de proprement scandaleux en soi puisque cette notion, jadis incorporée explicitement dans le concordat napoléonien de 1801, existe actuellement de fait dans bien des pays, de la Russie à la Pologne en passant par la Turquie laïque, sans compter les pays arabes dont la référence constitutionnelle à l’islam est bien souvent exclusive de toute allusion à d’autres confessions.
En s’appuyant sur un tel compromis historique, à l’aboutissement solennel duquel concourraient toutes les autorités cultuelles de notre pays, sans toutefois écarter le risque possible de la confrontation, la France disposerait alors, en se hissant enfin à la hauteur des défis de ce temps, d’un environnement juridique inédit permettant de discriminer, au sens littéral du terme, les religions dans les lieux publics en autorisant, au nom de la primauté culturelle du fait chrétien, la prééminence assumée de signes distinctifs judéo-chrétiens mais aussi en prohibant licitement la manifestation ostensible de signes musulmans distinctifs. Dans un pays où la valeur d’égalité, dévoyée en un médiocre égalitarisme, fait figure de vache sacrée, cet exercice politico-juridique sera éminemment complexe à mettre en œuvre et donnera lieu sans doute à de considérables et âpres débats mais, devant la montée des périls, la France ne saurait en faire l’impasse.
Pour peu de temps sans doute, notre pays peut encore résister à l’évaporation définitive des ressorts de son identité profonde en s’attelant courageusement à la redéfinition radicale du principe de laïcité au bénéfice du fait culturel chrétien, dans une entreprise salutaire qui s’affranchirait du principe d’égalité des religions entendu aujourd’hui de manière beaucoup trop absolue. Tous comptes faits, ce n’est qu’en dépassant consciemment la conception étroite actuelle du dogme de la laïcité que la France pourra donc demain, - en renouant avec les traits authentiques d’une civilisation raffinée dont le rayonnement admirable demeure plus que jamais vulnérable - retrouver les marques de son âme aujourd’hui égarée.
Karim Ouchikh - 29 septembre 2012
Version intégrale du texte paru dans L’Action Française 2848

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