mardi 9 octobre 2012

0 Science Po sous les coups de la Cour des comptes


Dire que l’UMPS l’a pleuré avec des larmes de crocodile !

La Cour des comptes dénonce la gabegie de Sciences Po Paris
La Cour des comptes veut mettre fin à une époque. Les 210 pages du rapport établi entre septembre et juin 2012 sont un long réquisitoire qui appelle à réformer Sciences Po Paris sans délai. Selon nos informations, la juridiction financière envisagerait de saisir la ministre de l’enseignement supérieur, Geneviève Fioraso, du cas Sciences Po dès cette semaine.
Cette dernière avait demandé, le 3 septembre, aux dirigeants de la prestigieuse école parisienne de geler la procédure de désignation du successeur de Richard Descoings, l’ex-directeur, mort à New York le 3 avril, jusqu’à la publication du rapport définitif de la Cour, attendue en novembre.
Ce rapport que Le Monde s’est procuré in extenso, et dont il avait donné la substance le 9 juillet, condamne les années Descoings, en estimant que "la politique de développement de Sciences Po n’a pu être mise en œuvre qu’au prix d’une fuite en avant financière et d’une gestion peu scrupuleuse des deniers publics".Mais il remet aussi en cause l’absence totale de contrôle interne et externe.

Les primes des dirigeants
C’est par là que le scandale a débuté. Mediapart avait révélé les très grosses primes que s’octroyaient les dirigeants de Sciences Po. La Cour a décrypté ces petits arrangements entre amis à partir des bulletins de paye. Entre2005 et 2011, la rémunération annuelle brute du patron de l’Institut d’études politiques (IEP) a crû de 60,4 %.
Elle a culminé à 537 246,75 euros en 2010, "tombant" à 505 806,29 l’année suivante. "A titre de comparaison, la rémunération annuelle brute du président d’un autre grand établissement universitaire était de 160095,61 euros en 2011", fustige la Cour. Celle-ci déplore l’irrégularité de certaines primes : "L’indemnité mensuelle de [Richard Descoings] ne repose sur aucun contrat formel et n’a pas été votée en conseil d’administration."
Jean-Claude Casanova, le président de la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP, qui gère l’IEP) a vu sa prime passer de 16500 euros en 2007 à 36000 en2010 et 2011 (contre 9375,72 pour son prédécesseur). Elle a même été de 69000 euros en 2009, année où il a été décidé de porter, avec effet rétroactif, cette indemnité mensuelle de 1500euros à 3000 euros.
Non seulement la Cour déplore que le conseil d’administration n’ait pas été consulté mais elle rappelle aussi que "les modalités de rémunération du président et de l’administrateur ne respectent pas les règles fixées par le code général des impôts". Pas plus, d’ailleurs, que "le cadre fixé pour les établissements publics [ou] celui des organismes à but non lucratif".
Un statut obsolète
Au cœur du problème, il y a l’imbrication de la FNSP, institution au statut non défini, régie par le droit privé, et de l’IEP, établissement de droit public sans budget propre dont toute la gestion est assurée par la fondation. Ce statut dépassé a entraîné, selon la Cour des comptes, une gabegie d’argent public et de nombreux dysfonctionnements. "Difficultés de coordination", "impossibilité de gérer globalement la masse salariale", "flou juridique", "dérives", "manque de contrôle par l’Etat"... La question du statut de Sciences po, qui mène grand train en dépit d’un résultat d’exploitation négatif en 2005, 2006 et 2008, "mérite d’être reposée".
Deux mondes enseignants
La même opacité et la même hétérogénéité président à l’élaboration des contrats des enseignants vedettes et à l’attribution de primes aux cadres. A Sciences Po, les vacataires représentent 20% des dépenses en personnel et assurent 93% des heures d’enseignement. Ils sont mieux payés qu’à l’université. La Cour recommande d’ailleurs de "ne pas revaloriser leurs rémunérations avant d’avoir maîtrisé la croissance de sa masse salariale".
Ce sera compliqué tant les règles de l’IEP sont différentes de celles de l’université et varient d’un professeur à l’autre. Globalement, la Cour estime que les enseignants-chercheurs effectuent 30% de leur service. Payé 100%. Elle cite l’exemple du directeur d’un département qui, en 2011, a doublé son traitement de professeur des universités en assurant... 60heures de cours à l’IEP sur une année.
Très chers étudiants
A l’IEP, "le coût moyen d’un étudiant est supérieur de plus de 3000 euros à celui d’un étudiant à l’université Paris-Dauphine", compare la Cour. La facture est acquittée par le ministère pour un surcoût de 300 euros par étudiant. Mais aussi par les familles à qui on demandait en moyenne, en 2010, 400 euros à Dauphine et un peu plus de 3000 à Sciences Po. La Cour "invite le ministère à revoir au moins en partie sa subvention à la baisse"... et rappelle au passage que le coût de la scolarité à Sciences Po pour un étudiant payant les droits maximums au tarif 2010 serait donc de 51700 euros sur cinq ans, contre plus de 35000 pour HEC et 38500 pour l’Essec.
Ouverture sociale
La promesse de Richard Descoings d’ouvrir l’IEP à des publics plus populaires, a-t-elle vraiment eu lieu ? Certes, l’IEP accueille davantage de boursiers en 2010 qu’en 2005, sans toutefois "atteindre le pourcentage de 30% attendu en 2012". Mais, dans le même temps, "la proportion des étudiants issus de parents cadres ou exerçant une profession intellectuelle supérieure s’est accrue de 5 points, passant de 58,5% à 63,3%".
Une maison où l’on vit bien
La Cour souligne à maintes reprises les exceptionnelles conditions de travail des personnels. La fondation possède des biens immobiliers qu’elle met à disposition de l’IEP, qui lui-même peut en faire bénéficier des salariés. Le rapport évoque le cas du directeur d’un centre de recherche qui a bénéficié gracieusement pendant cinq ans d’un logement de fonction situé rue d’Ulm, dont le loyer mensuel était estimé à 3257 euros, tout en déclarant un avantage annuel en nature de 1560 euros... Une fois le bail transféré à son nom, en 2009, un courrier de l’IEP lui a précisé que la FNSP "augmentera une de ses primes du montant exact du loyer, soit 3257 euros par mois".
Gestion hasardeuse
Sciences Po, qui compte parmi ses dirigeants, le banquier Michel Pébereau, a contracté quatre prêts entre2005 et 2010. L’un d’eux est classé "spéculatif et dangereux" par la Cour, qui demande désormais à la fondation de solliciter l’aval de Bercy avant tout nouvel emprunt.
Un bon point en recherche
Les résultats, concèdent les magistrats, sont ici "positifs". "Il convient cependant de rappeler que la plupart des enseignants-chercheurs sont, du point de vue de la charge d’enseignement, plus favorisés que leurs pairs."
La complaisance de l’Etat
La Cour relève l’impressionnant développement de l’IEP mené par Richard Descoings. Mais ils rappellent que la subvention du ministère de l’enseignement supérieur a progressé de 33,3 % en cinq ans, passant de 47,7 millions d’euros en 2005 à 63,3 millions en 2010. Or, "l’absence de tout contrôle exercé par l’Etat, pourtant principal financeur de la fondation, apparaît particulièrement fautive". La nomination du nouveau directeur lui donne l’occasion de se rattraper. Mais l’Etat osera-t-il changer les statuts de l’IEP alors que les actuels dirigeants s’y opposent ?

Le Monde

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