mardi 16 octobre 2012

0 [Tribune] LE CANNABIS EST-IL UNE DROGUE LAÏQUE ?


Les naïfs diront que Vincent Peillon, en se déclarant dimanche 14 octobre en faveur de la dépénalisation du cannabis, n’aura pas été long à montrer son vrai visage : non pas celui du maître rigoriste, héritier d’une longue tradition de hussards noirs puritains et inflexibles sur le plan de la morale républicaine, mais le représentant de cette gauche héritière de Mai-68, passée du social au sociétal, du peuple aux communautarismes, et, comme norme existentielle, du devoir sacralisé aux revendications individualistes. 
Bref, le retour de la morale laïque, annoncée à grands fracas à la fin de l’été par le ministre de l’éducation nationale, n’aura été qu’une baudruche destinée à appâter le Français inquiet de l’évolution de la mentalité de certains jeunes et désireux de voir l’école compléter, voire tout simplement pallier l’enseignement des valeurs morales les plus élémentaires, que certains parents ne seraient plus capables de transmettre à leurs rejeton-ne-s [1], faute de les avoir eux-mêmes reçues. Valeurs morales que, jusqu’à il y a peu encore, résumaient aux yeux de chacun, croyant ou non, les commandements de la Table de la loi relatifs au prochain, formant le contenu éthique d’une loi naturelle qui faisait consensus, même si, par pudeur laïque, d’aucuns n’osaient trop le proclamer. Mais l’enseignement moral du père de Marcel Pagnol n’avait rien à envier à celui des frères Quatre-Bras ou d’un pasteur calviniste.
Du reste, le retour de la morale laïque à l’école avait fait un tabac : interrogés par sondage, une immense majorité de Français s’y étaient déclarés favorables, certains, n’en doutons pas, avec le lâche soulagement de pouvoir refiler aux maître-sse-s et aux professeur-e-s de leurs enfants la charge d’enseigner les règles élémentaires du « vivre-ensemble » et d’en évaluer l’acquisition.
Mais nos compatriotes, comme la plupart des commentateurs, ont fait un contresens magistral sur les réelles intentions de Vincent Peillon, qui a avoué, dimanche soir, être un récidiviste en rappelant qu’il s’était déjà déclaré favorable à la dépénalisation des drogues dites douces, lorsque celle-ci avait été proposée par l’ancien ministre de l’intérieur socialiste Daniel Vaillant. N’avait-il pas d’ailleurs montré le bout du nez en précisant que sa morale laïque ne consisterait pas à apprendre aux élèves à se lever à l’entrée de leur professeur — pratique humiliante, s’il en est, et de plus inégalitariste —, car il ne fallait pas tout confondre ? Non, ce professeur de philosophie, héritier et spécialiste du protestant libéral et laïciste Ferdinand Buisson, visait autre chose : pour ce moderne Bouteiller, ce professeur néo-kantien dépeint par Barrès dans Les Déracinés et qui n’a de cesse de détruire tous les repères de ses élèves au nom d’une morale abstraite — il n’y réussit malheureusement que trop bien —, il ne s’agit pas tant d’enseigner les principes moraux élémentaires que d’imposer aux jeunes une vision du monde arrachée « de tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel ». Il existerait en effet une « laïcité intérieure » que l’enseignant aurait pour mission de développer chez l’élève, ce qui impliquerait de le déraciner de tout son héritage qui constitue une grande part de sa personnalité. Pour Peillon, « si la république ne dit pas quelle est sa vision de ce que sont les vertus et les vices, le bien et le mal, le juste et l’injuste, d’autres le font à sa place ». La famille, par exemple : certaines, de plus en plus rares, il est vrai, s’appuyant encore sur le prêtre comme le crime sur le vice, ne seraient-elles pas tenter de s’opposer au coming out de la « laïcité intérieure » de leur enfant ?
Quel rapport avec le cannabis ? Les fameuses valeurs de la république n’étaient que les valeurs chrétiennes laïcisées. La laïcité de combat, inventée pour les transmettre à la fois en dehors de l’Eglise et contre l’Eglise, a progressivement scié la branche sur laquelle elle était assise. Ayant fini par triompher d’une religion dont elle se nourrissait du discours moral mais qu’elle était en même temps chargée d’éradiquer des consciences, la laïcité, désormais, est nue. Et face à elle-même. Mai-68 fut la première expression de cette déchristianisation en voie d’achèvement. Aujourd’hui, chacun se rend compte du vide abyssal des valeurs laïques. Le malheur a voulu que l’Eglise, inquiète de voir son influence rétrécir comme peau de chagrin, ait commis l’erreur historique non pas d’aller au monde, comme elle l’a toujours fait, mais de se rendre à lui, selon le mot du regretté Maurice Clavel. La nature ayant horreur du vide, le même Vincent Peillon peut fort bien aujourd’hui vouloir à la fois le retour de la morale laïque à l’école et la dépénalisation du cannabis. Demain, de jeunes enseignants choisis non pas sur leurs connaissances mais sur leur formatage idéologique inculqueront à des collégiens aux yeux rougis par leur fumette du matin les « valeurs de la république » que sont déjà devenus, pêle-mêle, la non-discrimination, l’antiracisme, le mariage pour tous, la théorie du genre, l’homoparentalité avec, pour impératif catégorique, outre le mépris de soi engendré par le devoir-de-repentance, le rejet de toutes les phobies pensables et imaginables. L’école pourra alors nourrir, des possibles indéfinis d’une mensongère autodétermination anthropologique, la laïcité intérieure d’un jeune zombie déraciné, mais livré à toutes les servitudes de son ego. Car telle est l’unique vérité de la prétendue « laïcité intérieure ». Une triste fin pour le " devoir moral ", mais une chance historique pour transformer, définitivement, le citoyen libre en consommateur esclave. Et en finir avec les peuples historiques.
Demain, avec Vincent Peillon, faisons que la morale laïque et le cannabis deviennent les deux piliers de l’école républicaine.
François Marcilhac, directeur éditorial de L’Action Française
[1] On me pardonnera d’afficher les nouvelles règles orthographiques en matière de genre commandées par la parité laïque et obligatoire.

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