Savait-il
qu’en promettant d’élargir le mariage aux couples homosexuels, le
candidat Hollande allait mettre en émoi tant de français ? Non seulement
les groupements religieux, mais tous ceux qui, ne ressentant en leur
for intérieur aucun sentiment particulièrement homophobe, sentaient
qu’il y avait quelque chose d’étrange à voir l’Etat, désormais aux mains
des socialistes, bouleverser de la sorte la cellule familiale,
composante basique et immémoriale de nos sociétés occidentales.
A l’ordre du jour : égalité, non
discrimination. Deux thèmes usés jusqu’à la corde, prétexte d’à peu près
tout et n’importe quoi. Avec parfois une pointe acidulée, lorsqu’il
s’agit de vouer aux gémonies les opposants : condamnation de
l’homophobie, comme certains peuvent hurler au racisme dès qu’on
s’oppose au droit de vote des étrangers, ou au sexisme lorsque l’on
soutient qu’une femme et un homme ne sont pas en tous points similaires.
Le discours est rodé, et cela n’aurait
dû tromper personne. Mais la naïveté sévit encore. Si les opposants au
mariage homosexuel croient pouvoir influer sur les choix politiques, ils
se trompent lourdement. Incriminer les lobbies, c’est se tromper de
cible. Car s’il existe bien un lobby homosexuel, et s’il n’est sans
doute pas pour rien dans les projets gouvernementaux, c’est bien avant
que le ver est entré dans le fruit.
Et pourtant, chacun devrait aujourd’hui
comprendre que l’Etat n’est pas la Nation. Que la volonté des décideurs
du moment n’est pas celle de la société, et que leurs projets de société
ne sont que rarement les projets de la société. Que la légitimité d’un
Etat ne repose que sur un ordre juridique abstrait, un pouvoir de
contrainte par les armes et (surtout) la passivité du plus grand nombre.
Et qu’enfin, et par voie de conséquence, nous n’avons pas à nous sentir
concernés par les décisions de l’Etat, à moins qu’elles ne nous
contraignent physiquement (auquel cas c’est la résistance qui
s’imposera, et non l’obéissance passive). Manifester ne sert qu’à se
complaire dans l’illusion que l’on pèse sur ce que l’on dénonce, et à
conforter ses adversaires dans leur fantasme qu’ils luttent contre des
hommes hostiles – et non contre la réalité.
Sacrement depuis les premiers siècles,
entouré depuis la plus lointaine antiquité d’une mystique surnaturelle,
le mariage a été corrompu par la république depuis que celle-ci, en
1792, l’a rétrogradé au rang de simple acte juridique civil. Du jour au
lendemain, le mariage perdait sa vocation initiale (celle de la base de
la société, constituée par un serment irrévocable) pour devenir ni plus
ni moins qu’un contrat, doté d’un régime juridique particulier,
modifiable et résiliable. De manière symétrique, l’Etat, en confisquant à
l’Eglise une partie dhttp://www.infos-bordeaux.fr/e son pouvoir moral, le sécularisait, sans se
fixer les limites que l’Eglise, soumise à Dieu, devait respecter.
Pourtant, ce n’est pas le mariage
homosexuel qui est en cause aujourd’hui. C’est le mariage civil, et avec
lui ce nouvel Etat absolutiste qui a phagocyté la société, et qui
prétend calquer les valeurs de la société sur les idéaux des rédacteurs
des lois.
Disons-le clairement : plutôt que de
manifester contre ce qui est voté par une élite aussi sourde que
stupide, aussi aveugle que lâche, mieux vaut s’en moquer. Non pas vivre
en ermite en se coupant du monde, mais en déniant à l’Etat tout pouvoir
sur soi. Non pas s’isoler, mais l’isoler. Considérer le mariage civil
comme ce qu’il est : une formalité administrative, une déclaration
d’impôt, un PV de stationnement. Accomplir la formalité sans respecter
l’institution. Que cette ignorance soit individuelle ou collective, elle
exprimera enfin le suprême dédain d’un peuple envers un souverain aussi
absolutiste qu’impuissant.
Tribune libre de Denis Parest pour Infos Bordeaux
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