Le grand débat national sur la transition
énergétique qui a lieu en ce moment ne passionne guère les journalistes,
et cette indifférence est assez révélatrice de l’absence de vision à
long terme de ce système plus médiacratique que démocratique au sens
athénien du terme…
Mais, que la République ne parvienne pas à
susciter les bonnes interrogations ou qu’elle soit impuissante, faute
d’une volonté affirmée et responsable, à prévenir les périls du
lendemain ou à cerner les enjeux énergétiques, ne doit pas pour autant
décourager de réfléchir à ces questions qui engagent l’avenir de notre
pays et des générations à suivre… Voici la deuxième partie de mon
article publié dans « L’Action Sociale Corporative » sur les énergies renouvelables.
Le défi énergétique pour la France d’aujourd’hui et de demain (partie2).
Depuis quelques années, les éoliennes sont apparues et se sont
répandues dans nos paysages, parfois sans discernement : néanmoins, l’énergie issue du vent
peut être intéressante à exploiter plus largement, même s’il faut
envisager d’implanter des éoliennes de plus petite taille et fournissant
une électricité de proximité, en particulier dans les zones rurales
aujourd’hui éloignées des grands centres urbains. Quant à l’énergie solaire
dont le développement se heurte parfois à un coût relativement élevé
pour la fabrication et l’installation des panneaux photovoltaïques, elle
est facilement exploitable dans les nombreuses zones de France à fort
ensoleillement, et peut servir, en particulier le solaire thermique,
pour l’habitat collectif ou individuel, soit pour le chauffage des
maisons ou appartements, soit pour la production d’une électricité
locale. Là encore, la recherche et le développement de techniques de
plus en plus élaborées et productives peuvent permettre d’accélérer la
transition énergétique et de moins dépendre de l’exploitation des
énergies fossiles ou de l’énergie nucléaire dont on connaît, malgré
toute la qualité de la maîtrise française, les risques lourds pour
l’environnement et les populations en cas d’accident ou de mauvaise
pratique.
D’autres énergies renouvelables peuvent être évoquées : la géothermie ; celles issues de la biomasse, facile d’exploitation et souvent peu coûteuse ; l’hydraulique,
cette fameuse « houille blanche » qui a tant aidé à la « révolution
électrique » de la fin du XIXe siècle en France, et, au-delà des grands
barrages hydroélectriques, la petite hydraulique, trop négligée en
France, et qui a pourtant de belles perspectives devant elle, pourvu que
l’on veuille bien les développer ; l’énergie des déchets par les incinérateurs d’ordures ménagères, qui permet aujourd’hui de chauffer de nombreux logements collectifs ; le biogaz ; etc. Cette liste n’est pas exhaustive, bien sûr !
Malgré toutes ses richesses énergétiques potentielles, la France
semble en retard dans le développement et l’exploitation des énergies
renouvelables, et la faute en est largement imputable à la République et
à sa propre logique institutionnelle et politique : éternellement prise
entre deux élections, la République n’a pas osé lancer de grands
projets énergétiques sur le long terme qui auraient nécessité de
l’audace et des remises en cause. Elle s’est contentée de continuer sur
la lancée gaullienne des années 60, en particulier le programme
nucléaire qui, s’il a pu permettre d’amortir les chocs pétroliers des
années 70, a enfermé notre pays dans une logique de facilité avec une
électricité peu chère sur l’instant (d’où une consommation électrique
plus élevée de 25 % par rapport à celle de nos voisins allemands…) mais
aujourd’hui condamnée à être de plus en plus coûteuse, y compris (et
surtout, même) du fait du démantèlement des centrales nucléaires. De
plus, la nécessité et la recherche (parfois vaine d’ailleurs…) d’une
« popularité électorale permanente et renouvelée » empêche toute
politique de long terme et toute remise en cause véritable du système
énergivore de notre société de consommation, et des principes mêmes,
pourtant peu compatibles avec le respect des équilibres
environnementaux, de cette dernière.
Et pourtant ! La transition énergétique évoquée et défendue par les
spécialistes de l’énergie et de l’environnement est à peine ébauchée et
reste trop souvent au stade des discours plus que des réalisations
concrètes : l’Etat semble craindre que les efforts demandé aux
producteurs comme aux consommateurs français soient mal acceptés et
n’entraînent des mécontentements, voire des conflits. Il est vrai que
rompre avec un système dont chacun profite mais dont les conséquences,
elles, s’avèrent en définitive désastreuses, n’est pas simple, et sans
doute faut-il préparer le terrain, en particulier sur le plan
psychologique autant que sur le plan énergétique lui-même. Mais cette politique est nécessaire, et c’est l’Etat qui peut donner l’impulsion majeure, comme il l’a fait dans les années 60 en ce domaine comme en tant d’autres alors.
Ce véritable « basculement énergétique » n’est possible que s’il s’inscrit dans une stratégie plus globale encore
qui prenne en compte l’aménagement du territoire, mais aussi du temps
de travail et de son organisation, ainsi que la nécessité d’une
consommation moins dispendieuse en énergie. Economies d’énergie,
réactivation d’un tissu rural dense et susceptible de s’auto-organiser
(et de se suffire à lui-même le plus largement possible) en partie,
redensification de l’habitat des centres-villes, mise en valeur de
l’Outre-mer et des espaces métropolitains, etc. sont autant de moyens de
réussir cette transformation énergétique française : notre pays a la possibilité de montrer l’exemple et de devenir un modèle pour les autres nations, et la France peut le faire par elle-même au regard de toutes les possibilités d’énergie renouvelable dont elle dispose.
Philippe Folliot et Xavier Louy expliquent, dans leur ouvrage « France-sur-Mer », que la France a les atouts énergétiques, territoriaux et humains pour devenir en moins d’un demi-siècle… la première puissance mondiale !
Quoi que l’on pense de ce pronostic, travailler du mieux que l’on peut
pour la grandeur française est toujours nécessaire, et la question
énergétique est l’un des enjeux majeurs des prochaines décennies :
un basculement de la production et consommation françaises vers des
énergies renouvelables et inépuisables donnerait à la France un avantage
certain. Et puisque la République ne le peut pas, voire ne le
veut pas, travaillons à instaurer les conditions institutionnelles à ce
basculement énergétique porteur de tant de promesses et garant de la
pérennité, au-delà de notre propre pays, de la planète…
Jean-Philippe Chauvin
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