0 Cathédrale Saint-André à Bordeaux : une restauration royale

La remise en état du portail du XIIIe a révélé un vrai trésor. Les amateurs vont pouvoir le voir de près

(Philippe Taris)

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Patrick Lemaître, ingénieur de la Drac, souhaite depuis longtemps rouvrir le portail, dont les statues sont remarquables.

 

Etonnant ! C’est le moins que l’on puisse dire en découvrant le portail royal de la cathédrale Saint-André, à Bordeaux, côté mairie. Un vrai trésor du XIIIe siècle.

Il y a deux ans encore, on devinait à peine les contours de cette porte, tant elle était noircie par le temps et garnie de poussière. Située entre la salle Marcadet (ex-sacristie) et le contrefort de Gramont, elle ne servait plus de lieu de passage depuis le XIXe siècle. Elle était utilisée au temps où le bâtiment de l’archevêché était collé à la cathédrale. Cette porte était réservée aux hôtes de marque, aux rois et aux reines, ou à leurs représentants. D’où son nom !

Aujourd’hui, le trésor refait surface. Certes, on ne le voit pas totalement encore. C’est volontaire. Un immense escalier vient juste d’être placé devant. « Un escalier pour mieux s’approcher des statues », révèle Patrick Lemaître, ingénieur du patrimoine chargé de la cathédrale. « Jusqu’aux Journées du patrimoine, en septembre, nous allons organiser des visites. Trois fois par semaine, les gens pourront découvrir le portail. Il est trop beau pour qu’on ne le montre pas de près. »

C’est incontestablement, en effet, le plus beau portail de la cathédrale et aussi l’un des plus remarquables d’Aquitaine. Il y a tellement de statues et de statuettes qu’on ne peut les compter.

La galerie des Évêques

Une œuvre sur quatre niveaux. En bas, au ras du sol, 10 des 12 apôtres, 10 statues de 2,50 m de hauteur. Juste au-dessus, le portail proprement dit et son tympan (le front). Avec ici, le Christ, Marie et saint Jean chapeautés par des anges protecteurs. Au-dessus, les voussures, ces frises de pierre constituées d’une multitude de statuettes et qui entourent le portail comme une couronne de fleurs.

Ces statuettes représentent les patriarches de l’Ancien Testament et des anges porteurs d’éléments liturgiques ou d’instruments. Les autres portails de la cathédrale ont trois rangées de statuettes, ici il y en quatre.

Et ce n’est pas tout. Au-dessus de cet ensemble, la galerie des Évêques, avec ici huit statues de 2,30 m de hauteur.

De la couleur sur les statues

Ce portail a été construit en 1250, et, comme bien des ouvrages de l’époque, il était peint. Au XIXe, ces couleurs ne plaisant plus, les œuvres ont été recouvertes d’un enduit ocre jaune.

Bien que réalisée avec un maximun de précautions, la restauration n’a pas permis de redonner au portail ses couleurs initiales. « Ceux qui ont badigeonné les statues ont tout saccagé. Avant de passer le pinceau, ils ont tout gratté », regrette Patrick Lemaître. Le nettoyage a permis cependant de retrouver quelques traces de polychromie. Le bleu du tympan, par exemple. Il a pu être conservé et ne manque pas de surprendre aujourd’hui. La couleur de certains yeux est encore visible, elle aussi. Sur la statue du Christ, notamment, ce qui est fort impressionnant.

Selon Markus Schlicht, chercheur au CNRS, qui s’est penché sur l’ouvrage, tous les vêtements des personnages devaient être blancs. Seuls les liserés et doublures devaient être en couleur, ainsi que la robe du Christ.

Une restauration donc riche en enseignement sur la décoration au Moyen Âge, et qui risque d’attirer de nombreux amateurs et experts. Des touristes aussi, car ce portail rénové s’ajoute aux plus beaux trésors à découvrir au cœur de la ville de Bordeaux.

Ce qui sera encore plus vrai lorsque ce portail royal reprendra vraiment du service. On pourra non seulement l’admirer de loin, mais aussi le franchir. Les portes vont être, en effet, à leur tour restaurées et déverrouillées

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