samedi 6 juillet 2013

0 De quoi le Front national est-il devenu le nom ?


Par Aristide Leucate *

Avec 7125 voix supplémentaires obtenues au second tour des élections législatives partielles du Lot-et-Garonne, le jeune Etienne Bousquet-Cassagne qui portait les couleurs du Rassemblement bleu marine (RBM) a suscité un immense espoir,...
... tant chez les militants du Front national et électeurs de ce parti, que dans l’état-major de Marine Le Pen qui a bien cru voir transformer l’essai de la législative partielle de l’Oise d’avril dernier. Les échéances électorales de 2014 s’annoncent prometteuses. Mais qu’est-ce qui attire tant chez le FN, version bleu Marine ?
Porosité et désinhibition
La plupart des observateurs politiques sérieux s’accordent pour constater le commencement d’une réelle adhésion aux « idées » du Front national. Comme le souligne le politologue, Guillaume Bernard, « désormais le vote FN n’est plus ‘‘tabou’’. Il est capable de rassembler des électeurs venant de la droite et de la gauche, y compris ceux qui ne s’étaient pas portés sur lui au premier tour » (Direct matin, 24 juin). A cette enseigne, l’exhortation « démocratique » à « faire barrage » au FN par un « front républicain » UMPS et consorts, a fait long feu. Antoine Vouillazère dans Minute (26 juin) constate que ce dernier « n’opère plus parce que plus personne ne croit à la menace ‘‘fasciste’’ ». Soi-dit en passant, cette « menace » tenait davantage de la fantasmagorie que de la réalité et n’a perduré qu’au prix d’une dénaturation délibérée du syntagme conjuguée à une entreprise de sidération politico-médiatique permanente depuis plus de vingt ans.
Certes, les murailles entre lesquelles les mentalités ont été idéologiquement confinées, si elles commencent à se fissurer, sont encore loin d’être définitivement ébranlées. La récente affaire Méric a montré que le régime socialiste, s’il gouvernait mal, savait encore se défendre et mobiliser, pro domo, les arsenaux de la désinformation et de la manipulation grossière. Toutefois, il n’en est pas moins vrai et vérifiable que l’on assiste à une désinhibition progressive conduisant une part de moins en moins négligeable de nos compatriotes à rallier le FN, soit dans les urnes, soit en y adhérant directement ou à l’un de ses alliés comme le parti SIEL (Souveraineté, Indépendance Et Libertés, membre du RBM), fondé et dirigé par Paul-Marie Coûteaux. Les partis de gouvernement sont eux-mêmes touchés par des désertions de transfuges qui osent franchir le rubicond en passant des alliances locales avec le FN (cf. le cas archétypique d’Arnaud Cléré, à Gamaches, dans la Somme, tête de liste exclu de l’UMP pour avoir composé une liste de « patriotes », FN compris). Selon le quotidien, Aujourd’hui en France (21 juin), « tous les partis sont touchés par cette porosité nouvelle. Dans le détail de ces transferts, on compte dix-huit UMP et MoDem, cinq souverainistes du Mouvement pour la France et de Debout la République, ainsi que sept PS, PC et NPA ».
Ambiguïté
Une sourde exaspération monte des provinces de France, Paris apparaissant comme le symbole d’une capitale mondialisée pour bobos multiculturalistes et hédonistes, crachant leur mépris condescendant sur ces Français forcément « racistes », « réactionnaires », rétrogrades », bref, des « beaufs » à l’état primaire. L’académicien, Jean-Marie Rouart, note fort justement que « pour de nombreux Français, les dirigeants des partis institutionnels ne sont plus à leur écoute. Déconnectés du pays réel, ils ne font que se livrer à un théâtre parlementaire hors des problèmes concrets, se griser d’une phraséologie redondante, alimentant leur discours tantôt du côté de la froide rhétorique technocratique, tantôt dans les vieilles lunes idéologiques » (Paris-Match, 27 juin). Incontestablement, la ligne de fracture s’est accrue cet hiver avec le soi-disant « mariage pour tous » qui apparut surtout, urbi et orbi, comme la démocratie pour personne. Marine Le Pen, malgré son absence regrettable des rangs des manifestants a, malgré elle, cristallisé les mécontentements et les horripilations d’une large fraction du pays. Le peuple de droite se réveillerait-il enfin ? A moins que ce ne soit le peuple de gauche, cette gauche de la « décence ordinaire », cette gauche des gens de peu qui considèrent encore que la nation reste leur seul bien alors qu’ils perdent, résignés bien que révoltés, tout le reste, jour après jour (cadre de vie, emploi, services publics, santé, patrimoine, etc.) ?
D’évidence, le FN renoue avec la longue tradition centralisatrice de l’Etat français héritée des Capétiens. De là à faire de Marine Le Pen la continuatrice des 40 rois qui en mille ans firent la France, il y a un pas que nous ne franchiront pas. Toujours est-il que son positionnement tactique du « ni droite, ni gauche » (« de France », rajoute-t-elle) ne contribue pas à la lisibilité, tant de sa stratégie que de sa ligne politique. Oscillant entre une gauche dont elle et ses lieutenants ont manifestement perdu la mémoire et une droite qu’ils ne veulent décidément pas assumer, le FN s’enferme dans une équivoque qui pourrait s’avérer tout à fait contre-productive, à moyen terme. Sauf que l’on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment, reconnaissait le Cardinal de Retz…
aleucate@yahoo.fr - L’AF 2866
* Aristide Leucate est rédacteur à L’AF 2000, spécialiste des questions politiques et de société

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