Les enjeux sont trop importants pour que les Français soient tenus à
l’écart. Associations et parlementaires réclament la tenue d’états
généraux de la famille.
Christiane Taubira a-t-elle commis une bourde en dévoilant trop tôt l’avant-projet de loi sur le mariage gay ? Ce texte « va étendre aux personnes de même sexe les dispositions actuelles du mariage, de la filiation et de la parenté », a-t-elle confirmé dans la Croix, le 11 septembre. Une révolution qui ne satisfait pourtant pas les militants du mariage homosexuel.
Les associations LGBT (lesbiennes, gay, bi et trans) ont fait savoir
qu’elles exigeaient aussi l’accès à la procréation médicalement assistée
et la légalisation des mères porteuses. Surtout, elles revendiquent la
reconnaissance de la “coparentalité”, c’est-à-dire des « familles pouvant être composées de plus de deux parents ».
Les militants LGBT ont même formé un néologisme pour désigner une
relation à trois : le “trouple”. C’est à cela qu’a fait référence
l’archevêque de Lyon, le cardinal Barbarin : « Après, ils vont vouloir faire des couples à trois ou à quatre », a-t-il dit sur RCF, en soulignant que l’adoption de ce texte aurait « des conséquences in nombrables ».
Qui sait où s’arrêteraient ces revendications si le mariage, perdant sa
dimension sociale, n’était plus qu’un contrat entre personnes
protestant de leur amour ?
En présentant aussitôt cet avant-projet, le gouvernement cherchait à
faire diversion : François Hollande avait annoncé l’avant-veille une
forte augmentation de la pression fiscale. Mais cette manoeuvre incite
l’opposition à se mobiliser dès maintenant contre un “chambardement”
dont les plus lucides mesurent les effets.
« Le gouvernement ne peut pas faire l’économie d’un débat public, estime Hervé Mariton, député de la Drôme. L’UMP
aussi doit s’exprimer clairement. Les candidats à sa présidence doivent
faire connaître sur ce sujet la position qu’ils proposeront au parti
d’adopter. Les enjeux sont tels que l’opinion doit être informée des
conséquences de ce projet pour se décider en connaissance de cause. Rien
n’est encore joué. »
Faut-il organiser un référendum, comme le demande Christine Boutin ? Philippe Gosselin, député UMP de la Manche, l’envisage : « La révision constitutionnelle de 2008 l’autorise. » Mais il plaide d’abord pour la tenue d’états généraux de la famille et de la filiation car «
le mariage n’est pas un acte notarié : le code civil en a fait l’un des
fondements du pacte républicain. Cela mérite qu’on en discute ! »,
soulignant que de nombreux élus locaux, officiers d’état civil, veulent
être entendus. C’est le cas du collectif des Maires pour l’enfance, qui
regroupait lors de sa création, en 2006, 12 585 maires de toutes
couleurs politiques.
Car le mariage homosexuel indispose aussi des élus de gauche. En
1998, les députés PS étaient si peu nombreux dans l’Hémicycle que la
gauche dut s’y prendre à deux fois pour faire adopter le Pacs, ce que
François Hollande veut éviter. L’un d’eux confie, sous couvert
d’anonymat, que le mariage gay ne fait pas l’unanimité : « Lionel Jospin y était hostile », rappelle-t-il. « Le mariage est, dans son principe et comme institution, l’union d’un homme et d’une femme. […] On peut respecter la préférence amoureuse de chacun sans automatiquement institutionnaliser les moeurs », écrivait l’ancien premier ministre dans le Journal du dimanche en 2004.
Élisabeth Guigou, qui défendit le Pacs devant l’Assemblée, était encore plus catégorique en 1998 : «
Pourquoi l’adoption par un couple homosexuel serait-elle une mauvaise
solution ? Parce que le droit, lorsqu’il crée des filiations
artificielles, ne peut ni ignorer ni abolir la différence entre les
sexes. […] Mon refus de l’adoption pour des couples homosexuels
est fondé sur l’intérêt de l’enfant, sur son droit à un milieu familial
où il puisse structurer son identité et épanouir sa personnalité. »
C’est finalement DSK qui convertit le PS au mariage gay : «
Certains pensent que, par nature, il est dommageable pour un enfant
d’être élevé par un couple homosexuel. Je considère que c’est une faute
morale et […] un non-sens scientifique », déclara-t-il dans Libération le
11 mai 2004. D’abord circonspect, le premier secrétaire, François
Hollande, finit par se rallier à cette position, malgré les réticences
de Jean-Marc Ayrault : « On ne redéfinit pas le droit familial, les rapports entre parents et enfants, comme on baisse un taux de TVA. […] Rien n’est pire que de légiférer dans la précipitation et sous influence médiatique », estimait à l’époque le maire de Nantes.
C’est aussi ce que pensent les signataires de l’“appel de croyants de
gauche” publié sur Internet. Ils disent s’interroger sur l’euthanasie,
le mariage homosexuel et l’homoparentalité : « [Ces mesures] nous
paraissent de nature à diviser profondément l’opinion, parce qu’elles
proposent de légiférer dans des domaines qui touchent à l’essentiel de
la personne humaine ; à un niveau où la revendication de certaines
“libertés individuelles” peut être perçue comme destructrice de notre
patrimoine symbolique, donc des exigences du “vivre ensemble” et du bien
commun. » Une inquiétude que partagent les Poissons roses. Cette
association de gauche souhaite elle aussi l’organisation d’un débat
public. « Plusieurs questions méritent d’être posées, estime son président, Philippe de Roux. La
parité entre les hommes et les femmes est une valeur essentielle de la
République. Est-ce aussi une richesse dont l’enfant peut profiter pour
son éducation ? »
Les Poissons roses ont cosigné l’appel lancé par Frigide
Barjot, Béatrice Bourgeset plusieurs responsables associatifs, dont
Xavier Bongibault. Soulignant que la famille est le premier lieu de
l’intégration sociale, ses rédacteurs demandent au chef de l’État
d’inviter tous les citoyens à des états généraux contre la précarité
familiale. « Vous êtes, monsieur le Président, et nous sommes, par
vous, tous concernés. Alors prenons ensemble le temps d’en discuter ! »
Fabrice Madoua
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