Le Mythe de la violence religieuse
Article d'abord paru sur a-rebours.fr puis repris dans L'Action Française 2000.
Les Éditions de l'Homme Nouveau ont publié à la fin de l'année
2009 une traduction de l'ouvrage fondamental du théologien américain
William Cavanaugh, Le Mythe de la violence religieuse. Ce livre
s'attache à critiquer le préjugé largement répandue dans l'Occident
moderne selon lequel la religion serait intrinsèquement porteuse de
violence et d'une violence nécessairement pire que la violence
séculière.
Violence des idéologies séculières
Sa critique consiste d'abord à mettre en lumière la violence des
idéologies séculières qui déchaînent la haine au nom de la nation, de
l'État, de la race, de la révolution, de la démocratie, de la lutte des
classes, etc. Chacun conviendra en effet aisément que la Terreur de
1793, les crimes du communisme ou du nazisme, les bombardements de
Dresde ou d'Hiroshima n'ont rien à envier en cruauté et en barbarie aux
croisades ou à l'Inquisition. Mais Cavanaugh va plus loin.
Il montre que l'idée d'une violence spécifiquement religieuse qui serait par principe plus à craindre que la violence séculière repose sur un contresens historique. Les auteurs qui défendent cette thèse prennent en effet comme point de départ de leur réflexion une définition de la religion comme système de croyance nettement distinct des préoccupations et des motivations séculières qui n'a tout simplement pas de sens en dehors de l'ère culturelle moderne et occidentale.
Il montre que l'idée d'une violence spécifiquement religieuse qui serait par principe plus à craindre que la violence séculière repose sur un contresens historique. Les auteurs qui défendent cette thèse prennent en effet comme point de départ de leur réflexion une définition de la religion comme système de croyance nettement distinct des préoccupations et des motivations séculières qui n'a tout simplement pas de sens en dehors de l'ère culturelle moderne et occidentale.
Les prétendues « guerres de religion »
Cavanaugh se sert notamment de l'étude de ce que l'on appelle de
manière selon lui relativement impropre, les « guerres de religions » du
XVIème siècle en Europe, pour montrer qu'il est absolument impossible
d'isoler dans ces conflits les mobiles que l'on qualifierait aujourd'hui
de séculier de ceux que l'on qualifierait de religieux. Mieux encore,
il nous convainc que l'État moderne n'a pas résolu les guerres de
religion en faisant triompher une forme de rationalité laïque sur les
passions religieuses mais que c'est l'émergence de ce même État moderne
qui est l'une des causes principales de ces guerres. Et de fait, le
protestantisme en favorisant la nationalisation de la religion a permis à
de nombreux princes d'éliminer cette forme d'allégeance concurrente à
celle exigée par l'État que représentait l'universalisme catholique. A
l'inverse, dans un pays comme la France, la conversion d'une partie de
la noblesse au protestantisme n'est pas sans rapport avec une forme de
résistance féodale à la mise en place de la pleine souveraineté royale.
Légitimation de l'État, diabolisation de l'ennemi
Après avoir servi de discours de légitimation à l'État moderne
puis à l'État libéral, le mythe de la violence religieuse sert
aujourd'hui à diaboliser les sociétés non-occidentales et spécialement
les sociétés musulmanes. Cavanaugh s'intéresse particulièrement à
l'utilisation du mythe par les néo-conservateurs américains. Ceux-ci ont
tendance à considérer que leurs ennemis musulmans sont par nature
incapables d'agir selon des mobiles rationnels et que leur unique
motivation est une haine absurde et viscérale de l'Amérique et de ses
valeurs. Toutes les autres interprétations, notamment celles qui mettent
en avant la responsabilité américaine (soutien à la colonisation des
territoires palestiniens par Israël, aux différentes dictatures du monde
arabe, aux groupes islamistes les plus radicaux, au djihad quand il
prenait pour cible les soviétiques...), sont par avance disqualifiées.
L'autre intérêt du livre de Cavanaugh est de rectifier notre vision des rapports de l'Amérique avec la religion. Il nous invite en effet à ne pas confondre les références à Dieu qui participent à la religion civique américaine (In god we trust) et les églises proprement dites. Les unes et les autres ne vont pas forcément de pair comme le prouvent par exemple les lynchages, dans les années quarante, de témoins de Jéhovah qui refusaient le salut au drapeau, à leurs yeux idolâtre, ou les différentes tracasseries dont sont régulièrement victimes les catholiques. Il nous rappelle aussi, à rebours des préjugés qui ont cours en France sur les Américains, que la prière est interdite dans les écoles publiques au nom de la séparation des églises et de l'État.
Le Mythe de la violence religieuse intéressera donc autant les historiens que les observateurs des conflits contemporains et ceux qui réfléchissent aux rapports entre la religion et l'État dans les sociétés modernes.
L'autre intérêt du livre de Cavanaugh est de rectifier notre vision des rapports de l'Amérique avec la religion. Il nous invite en effet à ne pas confondre les références à Dieu qui participent à la religion civique américaine (In god we trust) et les églises proprement dites. Les unes et les autres ne vont pas forcément de pair comme le prouvent par exemple les lynchages, dans les années quarante, de témoins de Jéhovah qui refusaient le salut au drapeau, à leurs yeux idolâtre, ou les différentes tracasseries dont sont régulièrement victimes les catholiques. Il nous rappelle aussi, à rebours des préjugés qui ont cours en France sur les Américains, que la prière est interdite dans les écoles publiques au nom de la séparation des églises et de l'État.
Le Mythe de la violence religieuse intéressera donc autant les historiens que les observateurs des conflits contemporains et ceux qui réfléchissent aux rapports entre la religion et l'État dans les sociétés modernes.
Stéphane BLANCHONNET
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