mardi 20 novembre 2012

0 Peut-on encore sauver les facultés de Lettres ?


Devenues des fabriques à chômeurs, les facultés de Lettres ont vu partir à la fois leurs meilleurs étudiants au profit des grandes écoles et leurs plus motivés au profit des filières professionnelles courtes. Ayant fréquenté l’Institution durant 35 années et ayant une certaine expérience des universités étrangères, je vois deux grandes causes à ce naufrage : la massification et la secondarisation.
1- La massification. Quand 80%, et parfois plus, d’une classe d’âge obtient le baccalauréat, les universités qui ne pratiquent pas de sélection à l’entrée du premier cycle sont automatiquement condamnées à devenir des voies de garage pour masses illettrées. Or, sélection veut dire moins d’étudiants… et par conséquent, moins de professeurs. La simple évocation de cette idée provoque donc des transes syndicales.
2- La secondarisation. Pour mettre l’enseignement « supérieur » littéraire au niveau des masses illettrées qui s’y précipitent pour s’y noyer, il a fallu le secondariser, c’est-à-dire le « pédagogiser ». La suppression du doctorat d’État ès Lettres en 1984 a accéléré ce mouvement vers le bas. Trop élitiste aux yeux du bas clergé enseignant qui dirige de fait le ministère depuis 1945, ce critère d’excellence du recrutement des professeurs a été remplacé par un « petit » doctorat n’autorisant plus ces grandes synthèses qui faisaient la force de l’ancien et la réputation internationale des facultés de lettres françaises.
Ce constat étant fait, est-il encore possible de sauver les filières universitaires littéraires? Clairement non ! Et cela parce qu’aucun gouvernement ne se risquera à mettre en marche quatre grandes mesures salvatrices :
1- Répudiation de la massification au profit d’une re-élitisation. Le contraire de ce qui est fait depuis des décennies, les ministres de « droite » comme ceux de gauche n’étant en réalité que les fondés de pouvoir des syndicats.
2- Concours d’entrée à l’université, chaque établissement fixant ses propres règles et étant libre du montant de droits d’inscription. Le système des bourses permettrait à tous ceux qui en ont les capacités, mais non les moyens, d’accéder à ces établissements. Le bouche à oreille fonctionnant, les étudiants rechercheraient naturellement les universités délivrant des diplômes valorisants. La hiérarchie par la compétence remplacerait alors l’actuelle dictature du nombre.
3- Sur le modèle anglo-saxon : liberté de recrutement du corps enseignant avec prime donnée aux meilleurs afin de les fidéliser et notation des professeurs par leur hiérarchie mais aussi par les étudiants. Pour avoir enseigné durant une décennie dans un système nord-américain, je ne me suis jamais considéré comme humilié quand mon doyen me demandait de remplir annuellement une fiche concernant mes publications en cours, celles à venir et la liste de mes participations à des colloques. Professeur à l’École de Guerre, je n’y survis contre mes multiples ennemis extérieurs que parce que les stagiaires notent les enseignants. Sans cette salutaire mesure, les coteries idéologiques civiles qui ne cessent de demander ma tête l’auraient obtenue depuis longtemps.
4- Audit sérieux sur ces filières alibi ne survivant que grâce à des « étudiants » venus des Tropiques. Ce système « gagnant gagnant » connu de tous de par le vaste monde permet aux départements concernés de justifier leur existence, donc leurs crédits, et aux étudiants d’obtenir un visa, puis de rester en France une fois leur cursus achevé. Une enquête sérieuse sur le sujet devrait être menée par la Cour des Comptes.
En définitive, la seule solution serait de laisser naître des universités totalement autonomes, sans financement de l’État, le rôle de ce dernier se limitant à octroyer des bourses sous certaines conditions, le mieux étant cependant le recours à des prêts bancaires étudiants qui engageraient ces derniers à entamer des études « efficaces ». Des universités libres de leurs programmes, de leurs critères de sélection, du recrutement et de la rémunération de leurs enseignants chercheurs, libres enfin de fixer leurs droits d’inscription.
L’on dira avec justesse qu’il est des disciplines qui ne trouveront pas de sources privées de financement. Dans ce cas, il incombera alors et naturellement à l’État d’intervenir. Mais est-il pour autant nécessaire de laisser survivre 36 facultés délivrant des licences en psychologie et 34 des licences en sociologie quand, faute de moyens, des disciplines créatrices de débouchés s’étiolent ?

Bernard Lugan

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