Comme 80 de ses homologues en Saône-et-Loire, le
maire de Chasselas a signé l’appel contre le mariage et l’adoption par
les couples homosexuels.
Jean-Marc Veyron-Lacroix, à gauche, producteur de vins, ici dans sa cave de Chasselas, aux côtés de son compagnon. Photo archives Nicolas Desroches
Vous venez de signer, avec 80 autres maires de Saône-et-Loire et quelque 17 000 en France, l’appel des « maires pour l’enfance ». Pourquoi ?
D’abord, parce que je considère que ce projet de loi [qui ouvre le mariage et l’adoption aux couples homosexuels, NDLR] est trop important pour le voter en catimini en s’exonérant d’un vrai débat de société.
Vous êtes maire de Chasselas dans le Mâconnais depuis 2008. Votre démarche vous a-t-elle été inspirée par les réactions de vos administrés ?
Non, pas spécialement. Mais j’ai informé mes adjoints du fait que je refuserais de célébrer des unions homosexuelles si la loi était votée. Ils ont eu l’air surpris.
Peut-être du fait que vous vivez vous-même en couple avec un homme ?
Oui sans doute. J’ai surtout exprimé une position personnelle. En tant que citoyen homosexuel, je ne me sens pas du tout représenté par les associations LGBT (Lesbiennes, gay, bi et trans, NDLR). Ce n’est pas une charge contre ces associations dont certaines ont fait un travail formidable pour la dépénalisation de l’homosexualité ou la lutte contre le sida. Simplement, je pense qu’on ment aux Français en leur disant que le mariage et l’adoption sont une revendication des homosexuels dans leur ensemble. J’ai moi-même tout un tas d’amis homosexuels qui sont indifférents voire opposés à ce projet de loi. Les associations LGBT ne représentent pas ces citoyens-là. Elles s’autorisent à parler au nom des autres, ce que je n’accepte pas.
Pourquoi pensez-vous que le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels sont contestables ?
Je pense que l’on ne peut pas mettre sur le même plan l’homosexualité et l’hétérosexualité. J’ai beaucoup réfléchi sur ce sujet, je me suis posé mille questions, ai collaboré à plusieurs ouvrages. J’ai ainsi acquis la conviction que l’idéal, pour un enfant, est d’être élevé dans une famille composée d’un père et d’une mère. On va me dire que les hétéros divorcent, se remarient, recomposent des familles. C’est une réalité qu’on ne peut pas nier. Mais la loi doit reconnaître ce qu’il y a de beau et de souhaitable, pas encourager les pratiques minoritaires. La loi doit protéger le plus faible, donc l’enfant.
Estimez-vous que l’homoparentalité est dangereuse pour la société ?
Sur un sujet d’une telle importance, il ne faut pas raconter n’importe quoi. Il faut faire au contraire preuve de modération car beaucoup de personnes se sentent blessées par les prises de position des uns et des autres. Je ne crois pas, contrairement à ce que disent certains extrémistes, que la France va s’écrouler du jour au lendemain si la loi est adoptée. Il ne faut pas crier au loup. Mais je pense que la société est suffisamment déboussolée, les gens en manque de repères, pour ne pas en rajouter une couche. La société française est au bord de la rupture. Où sont les limites ? Où sont nos valeurs ? Par ailleurs, on sait que si la loi est votée, les associations qui placent des enfants adoptés fermeront leurs portes aux couples français. C’est inquiétant.
Que répondez-vous à ceux qui disent que l’inégalité en droit légitime l’homophobie ?
Cet argument de l’égalité me choque. Certains hommes ne se cachent pas d’avoir trois femmes. S’ils revendiquent l’égalité des droits, lui accordera-t-on trois contrats de mariage ?
Aujourd’hui, des enfants grandissent dans des familles homoparentales sans la protection légale de leurs deux parents car seul le parent biologique a des droits. Qu’en pensez-vous ?
Effectivement, ces situations exigent que les pouvoirs publics trouvent une solution. On pourrait mettre en place une délégation de parentalité pour sécuriser l’enfant. Il faut inventer des choses mais ne pas toucher aux institutions déjà trop mises à mal. C’est pour cela que j’appelle de mes vœux des états généraux de la famille au sens large. La société tout entière est fragilisée par la décomposition de la famille. Il faut y apporter des solutions sans quoi les gens sont perdus et en souffrance.
Vous-même, n’avez-vous pas le désir d’avoir des enfants ?
Si, bien sûr, comme beaucoup. Mais ce n’est pas parce que j’ai envie que je m’arroge ce droit. On connaît la souffrance des enfants adoptés qui recherchent leurs parents biologiques, par exemple. On ne peut pas éluder cette question de la filiation au nom du désir d’enfants. Cela ne veut pas dire qu’être élevé par un couple homoparental va forcément causer une souffrance. Mais je crois profondément que la famille est une institution qu’il faut préserver.
Allez-vous continuer à vous mobiliser contre ce projet de loi ?
Absolument. Je participerai à la manifestation du 13 janvier. Le gouvernement va trop vite. Il doit prendre le temps de faire exister le débat. Mercredi, j’ai été auditionné, avec le président du collectif des maires pour l’enfance, par le rapporteur du projet de loi. Je lui ai exposé les positions que je viens de vous formuler.
Le journal de Saone-et-Loire