Par Pierre Marchand*
Alors que le sommet européen relance le débat sur l’austérité, l’Union européenne impose la saisie des comptes chypriotes au titre d’une taxe sur les dépôts bancaires.
Sommes-nous pour ou contre l’austérité ? La question n’est pas simple.
Elle se pose une fois de plus à l’occasion du sommet européen qui se targue de vouloir alléger la cure d’austérité. La montée irrépressible des « populismes » et les nombreuses manifestations anti-austérité n’y sont sans doute pas pour rien. Mais ces manifestations – légitimes – ont aussi parfois des airs de revendications égoïstes. Alors, ni pour ni contre ? Nous dirions plutôt pour et contre. Pour car au risque de nous répéter, dans l’absolu et à moyen et long terme, il n’est pas tenable pour un Etat de dépenser plus que ce qu’il gagne. Contre car des mesures d’austérité ne sont véritablement efficaces qu’en période de croissance ou accompagnées d’une politique monétaire active. Contre encore parce que, en France du moins, cette austérité est mise en œuvre en dépit du bon sens.
La constitution d’un pôle « anti Merkel » autour de François Hollande ne doit donc pas nous tromper. Elle n’est qu’une forme de consentement maquillé en réaction d’autant plus inutile que sur le fond, aucune discussion n’est possible. L’austérité s’impose à tous en vertu de la limite en déficit budgétaire prévue par les critères de convergence européens. Cette réalité a une autre conséquence car in fine, même si l’Europe demande aux Etats de baisser leurs dépenses, le seul critère qui s’impose est celui du déficit budgétaire. C’est là tout le problème : le déficit étant la résultante des recettes et des dépenses, l’Etat peut utiliser – en général concomitamment – les deux leviers pour réduire le déficit. Notre Gouvernement, même s’il s’essaye à quelques mesurettes d’économies, a surtout choisi le levier de la fiscalité pour pouvoir montrer une patte blanche pourtant encore bien terne. Cela ne résout rien. L’augmentation continue du taux de prélèvements obligatoires est mal vécue par les français, dont les réactions sont parfois encore moins comprises (Gérard Depardieu ou Bernard Charlès par exemple) même s’ils sont avant tout symptomatiques d’un dépit face à l’impuissance publique. De l’autre côté, aucune réforme courageuse à même de produire des effets durables sur les dépenses de l’Etat n’est au programme.
L’austérité n’est envisagée que comme une sorte de contrepartie aux prélèvements obligatoires et non comme un véritable projet de rénovation dont l’Etat a cruellement besoin, des régimes spéciaux aux aberrations économiques de type 35h en passant par les innombrables subventions non contrôlées et autres caisses noires. Mais n’est-ce pas la limite du raisonnement ? Ce système de dépenses considérées comme des acquis n’est-il pas inhérent à un régime dirigé par l’opinion ? Le répliquer à l’échelon européen ne fera au mieux que différer un échec qui n’en sera que plus irréversible. On sait que beaucoup de libéraux plébiscitent l’Union Européenne comme moyen de faire ce qui selon eux ne peut plus être fait en France. Ce que ces machiavéliques prônent en somme, c’est un coup de force paisible (du moins sensément : on voit ce que cela donne en Grèce et ailleurs), par abandon. Seulement pour réformer, il ne faut pas abandonner le pouvoir, mais le reprendre : tout désespoir en politique, c’est-à-dire en la capacité du Politique à reprendre le pouvoir sur les puissances de l’opinion et de l’argent, est une sottise absolue. [...]
* La suite dans L’AF 2859
Pierre Marchand est rédacteur à L’Action Française, spécialiste des questions économiques
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire