
-Nous avons parlé de votre premier 
logis au cœur du Quartier Latin? Or, avant-guerre, le Quartier Latin 
était politiquement très agité.
Pierre Joubert:  Très agité. A 90%, les 
étudiants, je parle du Quartier Latin et non du reste de Paris, étaient 
de droite, comme on est de gauche aujourd’hui. Comme les gouvernements 
au pouvoir étaient plutôt radicaux et vaguement socialistes, la droite 
et les ligues spécialement, faisaient beaucoup plus peur au pouvoir que 
les gauchistes qui étaient peu nombreux. Les étudiants s’en rendaient 
compte et fonçaient en direction du succès. “L’Action Française” et les 
“Jeunesses Patriotes” représentaient des forces énormes. C’était avant 
le Front Populaire. Pour ma part, je n’étais pas tellement bagarreur, 
mais je m’amusais beaucoup de voir les ministères tomber comme des 
châteaux de cartes sur une simple manif des “Camelots du Roi”. Notre 
grand plaisir était de bourrer nos poches de billes et des les lâcher au
 moment des charges d’agents de police. Comme ceux-ci avaient de gros 
godillots cloutés et que les pavés en bois étaient déjà salement 
glissants, vous devinez la pagaille obtenue !
- Un peu avant le 6 février 1934, n’y a-t-il 
pas eu des manifestations beaucoup plus brutales entre le boulevard 
Saint Germain et le boulevard Saint-Michel ?
Pierre Joubert:  Oui. Certains étaient 
ridicules, d’ailleurs. C’était contre des causes que maintenant je 
défendrais certainement. Comme par exemple d’avoir la peau du brave 
Professeur Jèze, qui n’admettait pas la présence des italiens en 
Ethiopie. 
- Vous n’avez pas le souvenir d’avoir eu à l’époque des contacts avec les Jeunesses Communistes ou socialistes ?
Pierre Joubert:  Ces contacts existaient, 
mais ils étaient rares et difficiles, sauf entre étudiants. Il arrivait 
que les Scouts de France se rencontrent dans les bois avec les “Faucons 
Rouges”, qui avaient fière allure. Alors tantôt on se défiait de loin, 
tantôt on s’empoignait, tantôt, beaucoup plus rarement, on jouait 
ensemble. J’ai parlé pour la première fois sérieusement avec un 
communiste pendant la guerre. C’était un de mes meilleurs copains 
d’ailleurs.
- Et le 6 février ?
Pierre Joubert:   Ce jour-là, on a vraiment 
cru que la Troisième République allait disparaître. Je n’ai pas compris 
grand choses. Il y avait une ambiance formidable, c’était vraiment une 
ambiance de guerre civile.
- Et puis, ça été la déception ?
Pierre Joubert:  Une grosse déception… Il y avait des 
mouvements de foule. On courait derrière les flics qui se sauvaient. 
Ensuite, tout d’un coup, il y avait un mouvement de reflux et c’était 
les flics qui couraient derrière nous. De temps en temps, on voyait des 
blessés qu’on transportait sur des brancards, J’en ai vu plusieurs. J’en
 ai même relevé un qui avait reçu un coup de matraque sur la tête et qui
 titubait, mais personnellement je n’ai pas reçu le moindre coup et je 
n’en ai pas donné un seul : la Concorde, était l’épicentre de la 
bataille, mais je n’ai pas pu l’atteindre ! J’ai été bloqué boulevard 
Saint-Germain.Zentropa nous enchante encore une fois de ces articles sur l'AF !
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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