Polémia
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Le thème de la laïcité est revenu sur le
devant de la scène. Tout le monde se veut laïc aujourd’hui et, à droite
comme à gauche, affirme que la laïcité serait la bonne réponse à
l’islamisme. Curieux voyage que celui de la sémantique politique !
L’origine de la laïcité
D’où vient en effet cette fameuse « laïcité » ?
De la volonté des républicains radicaux
d’enraciner la République dans la réalité politique de la France après
la défaite de 1870. Les républicains parviennent en effet au pouvoir en
1879 après la démission de Mac Mahon, dans une France majoritairement
conservatrice et qui garde, en outre, un mauvais souvenir des deux
républiques précédentes.
Pour renforcer leur emprise sur la
société, les radicaux vont utiliser deux leviers principaux : la
scolarité obligatoire des enfants, futurs électeurs, et la lutte contre
l’influence sociale de l’Eglise catholique, jugée hostile aux Lumières.
De là naîtra l’école publique non confessionnelle (laïque, justement) et
la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Les deux sont liés d’autant que
l’histoire enseignée par l’école laïque présente une lecture
systématiquement peu favorable à l’Eglise catholique.
En d’autres termes, la laïcité est une
arme de combat contre le catholicisme et contre la France conservatrice
et cela malgré le ralliement des catholiques à la République recommandé
par le pape Léon XIII dans son encyclique « Inter sollicitudines » de 1890.
Les mesures prises pour la séparation de l’Eglise et de l’Etat constituent donc une violence faite à la société d’alors,
majoritairement catholique. Elles déclencheront d’ailleurs souvent de
violentes réactions de la part des fidèles. Il y aura des morts,
notamment lors des inventaires des biens du clergé, initié en 1906. La
France sera désormais durablement coupée en deux : d’un côté les laïcs,
de l’autre les bigots. On parle d’ailleurs encore significativement de «
guerre scolaire » entre l’école publique et l’école libre.
Une première preuve du caractère apaisant de la laïcité !
Une curieuse philosophie
C’est que la laïcité n’est naturelle
pour personne en Europe jusqu’au début du XXe siècle. D’ailleurs, la
France est isolée sur ce plan jusqu’en 1914 : la plupart des régimes
européens, qui sont au surplus en général des monarchies, entretiennent
une relation étroite avec les Eglises nationales : ils ne sont nullement
« laïcs ». Et, aux Etats-Unis, on prête toujours serment sur la Bible
et l’on invoque Dieu à tout moment.
Les partisans de la laïcité affirment,
en effet, que la religion ne devrait pas être une affaire publique mais
seulement une question de conviction personnelle. Leur approche de la
religion est donc individualiste : un comble puisque l’étymologie du mot
religion évoque au contraire la notion de lien ; la religion c’est ce
qui relie !
Cette théorie est en rupture aussi avec
toute l’histoire et l’identité européennes. Car la fonction souveraine a
toujours revêtu deux aspects chez nos ancêtres : une dimension
politique et une dimension religieuse, c’est-à-dire transcendante.
Le roi, « oint du Seigneur », est sacré
au terme d’une cérémonie religieuse, comme l’empereur. Le monarque
possède d’ailleurs des pouvoirs religieux et thaumaturgiques qui lui
sont propres. L’Eglise exerce aussi une fonction sociale et, encore sous
l’Ancien Régime, une fonction politique propre. Si les domaines de
l’Eglise et du Trône sont séparés fonctionnellement (la théorie des deux
glaives), ils relèvent tous deux de la souveraineté : l’Eglise tempère
le pouvoir et le pouvoir défend l’Eglise et protège le clergé (qui n’a
pas le droit de prendre les armes). Et dans la tradition gallicane le
roi exerce un pouvoir hiérarchique dans les nominations des prélats.
L’Etat sauvage : aucune spiritualité
En fait, le but réel des laïcs n’était
pas tant de défendre la liberté de conscience en organisant la
neutralité de l’Etat à l’égard des cultes, comme ils le disent, que de
détruire le fondement transcendant – et en France le fondement
catholique – de la souveraineté, puisque la source de la souveraineté ne
résiderait désormais plus que dans les élections.
Mais ce faisant ils ont libéré le
pouvoir de l’obligation de respecter les normes morales qu’incarnait la
fonction sacerdotale. L’Etat laïc devient donc fatalement un Etat
sauvage, libéré de toute contrainte morale et bientôt libéré même de
l’obligation de respecter la volonté populaire, comme on le voit
aujourd’hui. Nos modernes leaders « laïcs » se permettent donc des
choses que n’auraient jamais imaginées les anciens princes. La morale
n’est plus, en effet, qu’une simple « affaire personnelle ». C’est un
second effet collatéral du sympathique esprit laïc.
Comme le déclarait, le 20 septembre
dernier, le premier ministre J.-M. Ayrault à propos du mariage
homosexuel : « Le mode de vie des Français ne peut être soumis à aucune spiritualité.
» Aucune spiritualité, vous avez bien lu : c'est-à-dire l’homme
horizontal, réduit à sa seule individualité, à ses seuls appétits, atome
social que plus rien ne relie aux autres, sinon la télévision et la
coupe du monde de football. Quel progrès humain, en effet !
La laïcité ne marche plus
La faiblesse de l’esprit « laïc »
éclate, en outre, lorsqu’il se trouve confronté à l’islam. Car l’islam
ignore justement la séparation du temporel et du spirituel. L’islam est
donc une religion qui tend à changer l’ordre temporel : elle ne
peut rester une simple « conviction personnelle » sans se renier. Ce
qui signifie que le remède miracle de la laïcité ne peut plus
fonctionner en présence de l’islam, comme l’illustre d’ailleurs
l’évolution des pays musulmans et arabes.
L’affirmation de M. Ayrault sur la
spiritualité est non seulement effrayante par ce qu’elle implique, elle
est surtout fausse. Car le « mode de vie » des Français est bien en
train de changer du fait de la « spiritualité » musulmane : il change
dans les cantines qui ne servent plus de porc ; il change dans les
écoles où l’on ne peut plus faire apprendre Le Cid aux élèves ; il change dans les hôpitaux où les femmes ne peuvent plus être soignées que par des médecins du même sexe.
Pourquoi le « remède » laïc ne
marche-t-il plus ? Tout simplement parce qu’il ne visait que la religion
catholique. Il s’est imposé, en outre, parce que le catholicisme était
en phase déclinante en France. Mais face à un islam en phase dynamique,
il en va tout autrement.
La langue des hypocrites
La laïcité n’est donc plus aujourd’hui
qu’un mot trompeur. Ce que la novlangue officielle nomme laïcité désigne
en fait la capitulation honteuse des pouvoirs publics face à l’islam :
une capitulation d’autant plus méprisable qu’elle masque de sordides
calculs politiciens.
Car ceux-là mêmes qui hier réclamaient
la « neutralité » de l’Etat vis-à-vis des religions nous expliquent
maintenant, et sans rire, que la laïcité, devenue « positive »
entretemps, consisterait à encourager les religions à se manifester dans
l’espace public. On avait sans doute dû mal comprendre la pensée d’E.
Combes…
Selon eux, les collectivités devraient
financer directement ou indirectement la construction de mosquées tandis
qu’il faudrait reconnaître les usages, les fêtes musulmanes et former
des imams. Et l’on voit les ministres fréquenter assidûment les mosquées
ou les synagogues et courtiser les différentes « communautés » qui,
parait-il, composent maintenant notre République une et indivisible !
Nos laïcs nous expliquent au surplus qu’il faudrait traiter sur le même
plan toutes les religions : la majoritaire comme les minoritaires.
Nos bouffeurs de curés ont désormais les
yeux de Chimène pour les pasteurs, les imams et les rabbins, et sans
doute demain aussi pour les bonzes et les sorciers animistes.
Cela commence quand même par
sérieusement indisposer les autochtones, qui n’ont pas le sentiment de
faire l’objet de la même sollicitude.
Mon Dieu, protégez-nous de ces laïcs !
Michel Geoffroy
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