Le point de vue de Maurras sur Napoléon
diffère peu de celui de Jacques Bainville. Il s'exprime essentiellement
dans un texte court et définitif à nos yeux sur le sujet. Il s'agit de Napoléon, avec ou contre la France, paru pour la première fois en 1929 puis repris dans le triptyque Jeanne d'Arc, Louis XIV, Napoléon. Les lecteurs intéressés peuvent le lire dans son intégralité en ligne sur l'excellent site maurras.net.
Mais l'on trouve également divers jugements de Maurras sur Napoléon
dans des articles de l'Action Française quotidienne (que l'on peut lire
dans le Dictionnaire politique et critique) ou encore dans certains passages de L'Enquête sur la monarchie.
En substance, Maurras voit en Napoléon
une expression du génie militaire français, il accorde même une certaine
valeur au coup d’État du 18 Brumaire (valeur qu'il reconnaît aussi à
l'opération Rubicon du neveu en 1851). Mais Maurras fait trois reproches
à Napoléon et les trois sont en rapport avec les thèmes fondamentaux de
sa pensée politique. Le premier concerne le manque de légitimité qui
lui permet d'opposer la sagesse de Jeanne, qui remet le pouvoir au roi
dans un geste de grand valeur morale mais aussi politique (elle refonde
durablement l'édifice en s'appuyant sur les forces du passé) à
Bonaparte, qui s'empare brutalement de la France à son profit et
pratique une forme de table rase. Le second porte sur la nature du
pouvoir incarné par l'Empereur : Maurras croit moins au charisme
individuel et même à la valeur individuelle qu'au charisme dynastique.
On touche là au fondement de son royalisme. Pour lui, l'institution
compte plus que celui qui l'exerce et les hommes de génie, pressés de
laisser leur trace dans l'Histoire, sont à craindre autant qu'à admirer.
Rien ne vaut le gouvernement modéré et paternel du monarque héréditaire
formé à sa tâche dès l'enfance et soucieux de transmettre un héritage à
sa descendance. Le troisième tient aux résultats obtenus par les
Bonaparte, oncle et neveu, dont les deux règnes se sont achevés sur des
défaites cinglantes (Waterloo, Sedan) et un amoindrissement objectif de
la puissance française. Autres résultats néfastes de leur politique,
liés à l'idéologie révolutionnaire qu'ils ont diffusée en Europe : le
renforcement des nationalités et la constitution de la nation allemande
en un État unifié porteur de tous les périls pour la France.
Stéphane BLANCHONNET
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