Aux
yeux de certains, le refus du mariage homosexuel serait un déni de
droit et une offense à l’égalité. Rien n’est plus inexact. D’abord,
parce que le mariage n’est pas un droit, mais une institution - c’est à
dire un ensemble cohérent de droits et de devoirs. Ensuite, parce que le
droit de se marier ou de ne pas se marier est également ouvert à tous
et qu’on connaît des homosexuels mariés.
Il est vrai que le mariage entre homosexuels n’est pas possible ; il ne l’est pas non plus entre enfants impubères. Dans les deux cas, il ne s’agit pas d’un déni de droit, mais d’un constat d’impossibilité : le mariage exige des partenaires adultes et de sexe différent. Ainsi en est-il, en tout cas, pour le moment.
Oublions, enfin, le slogan imbécile du "mariage pour tous", à moins de prêter l’intention à ses promoteurs de vouloir marier frère et sœur ou oncle et nièce.
Venons-en, plutôt, au vrai problème : ouvrir le mariage pour les homosexuels suppose de changer le mariage pour tout le monde.
La seule question est donc : faut-il changer le mariage ? La question n’est évidemment pas taboue ; le mariage a déjà changé, pourquoi ne changerait-il pas encore ? Au moins, faut-il prendre la mesure du changement proposé et s’interroger sur son intérêt éventuel.
L’ampleur du changement
Le mariage, à présent, est un statut conféré par l’État à l’union d’un homme et d’une femme, en considération des enfants à naître de cette union.
Ce qui peut exister entre deux individus en fait de sentiment ou de sexe ne concerne pas l’État : cela relève de la sphère privée. Tout au plus, l’État s’assure-t-il, en cas de litige, que les partenaires en cause sont adultes et consentants. Un homme, donc, a-t-il plusieurs maîtresses ; une femme plusieurs amants, l’État n’en a cure.
Un mari, en revanche, a-t-il plusieurs épouses ; ou une épouse, plusieurs maris, l’État s’y oppose. Pourquoi ? Sinon, parce qu’ils sont mariés et, qu’avec le mariage, intervient une tierce partie, l’enfant.
Avant même que l’enfant paraisse, sa seule éventualité commande de régler les rapports qui devront s’établir entre parents et enfant ; aussi bien qu’entre parents dans la mesure où cela affecte l’enfant. Tel est précisément l’objet du mariage. Il oblige le couple à donner à l’enfant : identité, accueil, protection et éducation, tout en lui conférant, en contrepartie, ce qu’on appelle l’autorité parentale.
Tout l’édifice, on le voit, repose sur l’unique fondement de la présomption de progéniture. Pour un couple hétérosexuel, elle va de soi. Dans un couple homosexuel, elle ne serait pas seulement absente, elle serait remplacée par une certitude du contraire : aucun enfant ne serait à attendre. Du coup, privé de son fondement, le mariage serait littéralement en porte-à-faux.
Sur le point de fait de savoir quelle serait l’ampleur du changement, il n’y a aucun doute : le mariage actuel ne serait pas modifié, mais dénaturé.
Les partisans du changement en sont si conscients que tout leur effort consiste à tenter de le faire oublier.
Pour essayer d’identifier le mariage homosexuel au mariage actuel, ils soulignent que demain, comme aujourd’hui, il s’agira de célébrer l’amour d’un couple. Que deux individus s’aiment d’amour tendre et veuillent en prendre à témoins le public et la République, voilà qui devrait suffire à fonder le mariage.
Malheureusement pour eux, c’est insoutenable. Outre qu’il serait inutile, un tel mariage serait inopérant. Jamais les amants n’ont eu besoin d’un décor de mairie ou d’une écharpe tricolore pour célébrer leur amour. Quant à la République, elle a beau être bonne fille, que sait-elle de l’amour pour s’en faire juge ? Si elle a compétence pour sanctionner un contrat, depuis quand aurait-elle reçu pouvoir de certifier une passion amoureuse ?
Reste à soutenir, qu’à l’égal d’un couple hétérosexuel, un couple homosexuel peut former un projet d’enfant, puisque, à défaut de ceux que la nature lui refuse, il a aujourd’hui pour le réaliser ceux de l’adoption ou de la procréation médicalement assistée.
La difficulté avec cet argument est que, quoi qu’on fasse, ce n’est jamais "à l’égal".
Faute, et pour cause, de présomption de fertilité, le couple homosexuel devrait y suppléer au moyen d’une déclaration explicite manifestant son intention d’avoir des enfants. Encore cette intention n’a-t-elle de chance de se concrétiser qu’avec le concours d’une tierce partie, ce qui fait toujours d’un ménage homosexuel qui veut des enfants une sorte de ménage à trois. Même en cas d’adoption, l’égalité serait encore loin d’être réalisée, car l’enfant adopté ne retrouvera pas dans le couple adoptif, s’il est homosexuel, la mixité sexuelle qui a forcément présidé à sa naissance.
Bref, le mariage homosexuel aura beau singer d’aussi près que possible le mariage hétérosexuel, il n’en sera jamais la copie conforme. À force d’artifices, on n’aura réussi qu’à substituer à la vérité du modèle le mensonge d’un faux.
S’il faut convenir que le changement proposé s’apparente à une révolution, est-il, au moins, permis de croire que cette révolution marquerait un progrès ?
L’intérêt du changement
Le mariage actuel n’est pas ce qu’il est seulement à cause de l’enfant, mais dans l’intérêt de l’enfant.
Par rapport à l’ensemble parents - enfant, l’État prend délibérément le parti du second : comme il est encore à venir et qu’il est, de toute façon, la partie faible, il serait sans défense si la société ne parlait pour lui. De là les responsabilités que le mariage met à la charge des parents, tant à l’égard de l’enfant que dans leurs rapports mutuels.
Si mari et femme se doivent aide et assistance, s’ils ont domicile commun, si la fidélité est au nombre de leurs obligations, c’est pour mieux garantir à l’enfant l’environnement stable qui lui est nécessaire. Si le mariage se définit comme l’union d’un homme et d’une femme, c’est que tout élargissement à plus de deux partenaires serait pour les enfants source de confusion et comporterait des risques d’inégalité entre eux. C’est aussi parce qu’on croit bon pour l’enfant qu’il y ait identité entre ceux qui l’ont engendré, ceux qui l’ont voulu et ceux qui entreprendrons de l’élever.
C’est cette identité qu’un couple homosexuel est hors d’état d’assurer. C’est une différence qui va loin. Elle oblige à minimiser la portée de l’acte de procréation pour placer au-dessus de tout le désir ou le projet d’enfant. C’est ainsi que, sous le noble prétexte de préférer l’amour au sexe, on en vient à placer le désir d’enfant au-dessus de l’intérêt de l’enfant.
Le principe une fois posé, il ne faut pas s’étonner des conséquences.
Le désir d’enfant peut naître dans un couple homosexuel aussi bien que dans un couple hétérosexuel et il y est ni plus ni moins légitime. Au nom de quoi, cependant, le borner à deux individus ? Pourquoi serait-il moins légitime s’il venait à un groupe composé d’un homme et de deux femmes ou davantage ?
Si le désir d’enfant commande, tous les moyens de le satisfaire sont bons. Pourvu que le but soit atteint, les homosexuelles auront toute latitude pour chercher la gamète mâle dont elles ont besoin ; même chose pour les homosexuels à l’égard des procédés de gestation pour autrui. Comment, alors, fermer la porte aux tentations de manipulation génétique et de marchandisation du corps ?
Le désir d’enfant réside, par définition, dans le chef des parents ; l’enfant n’y joue qu’un rôle passif. C’est pourquoi on se permet de transférer l’enfant adopté de son cadre originel, nécessairement hétérosexuel, dans un cadre homosexuel sans se demander si c’est ce qui lui convient. Mais il y a plus grave. Que se passera-t-il si le désir change ou disparaît ? Ou si l’enfant se trouve ne pas répondre aux spécifications du désir ?
Toutes ces conséquences, tous ces dangers proprement abyssaux, procèdent d’une même cause : l’altération de ce qui fonde le mariage. Le mariage présent fait tout reposer sur l’intérêt de l’enfant, le mariage homosexuel sur le désir d’enfant. Ce qui est en jeu ici, ce n’est rien d’autre que la conception de l’enfant. Quand on invoque l’intérêt de l’enfant, on suppose que l’enfant est sujet ; quand on le soumet au désir d’enfant, on fait de lui un simple objet. Dans un cas, l’enfant est traité par anticipation comme une personne ; dans le second, il fait figure de jouet, même si c’est un jouet de luxe.
Notre civilisation s’honore de maintenir que la haute idée qu’elle a de l’homme vaut par extension pour ce petit d’homme qu’est l’enfant. Comment ne se déshonorerait-elle pas en dérogeant à ce principe ? Et comment, avec le déshonneur, n’en subirait-elle pas aussi les désastreuses conséquences ?
Il est vrai que le mariage entre homosexuels n’est pas possible ; il ne l’est pas non plus entre enfants impubères. Dans les deux cas, il ne s’agit pas d’un déni de droit, mais d’un constat d’impossibilité : le mariage exige des partenaires adultes et de sexe différent. Ainsi en est-il, en tout cas, pour le moment.
Oublions, enfin, le slogan imbécile du "mariage pour tous", à moins de prêter l’intention à ses promoteurs de vouloir marier frère et sœur ou oncle et nièce.
Venons-en, plutôt, au vrai problème : ouvrir le mariage pour les homosexuels suppose de changer le mariage pour tout le monde.
La seule question est donc : faut-il changer le mariage ? La question n’est évidemment pas taboue ; le mariage a déjà changé, pourquoi ne changerait-il pas encore ? Au moins, faut-il prendre la mesure du changement proposé et s’interroger sur son intérêt éventuel.
L’ampleur du changement
Le mariage, à présent, est un statut conféré par l’État à l’union d’un homme et d’une femme, en considération des enfants à naître de cette union.
Ce qui peut exister entre deux individus en fait de sentiment ou de sexe ne concerne pas l’État : cela relève de la sphère privée. Tout au plus, l’État s’assure-t-il, en cas de litige, que les partenaires en cause sont adultes et consentants. Un homme, donc, a-t-il plusieurs maîtresses ; une femme plusieurs amants, l’État n’en a cure.
Un mari, en revanche, a-t-il plusieurs épouses ; ou une épouse, plusieurs maris, l’État s’y oppose. Pourquoi ? Sinon, parce qu’ils sont mariés et, qu’avec le mariage, intervient une tierce partie, l’enfant.
Avant même que l’enfant paraisse, sa seule éventualité commande de régler les rapports qui devront s’établir entre parents et enfant ; aussi bien qu’entre parents dans la mesure où cela affecte l’enfant. Tel est précisément l’objet du mariage. Il oblige le couple à donner à l’enfant : identité, accueil, protection et éducation, tout en lui conférant, en contrepartie, ce qu’on appelle l’autorité parentale.
Tout l’édifice, on le voit, repose sur l’unique fondement de la présomption de progéniture. Pour un couple hétérosexuel, elle va de soi. Dans un couple homosexuel, elle ne serait pas seulement absente, elle serait remplacée par une certitude du contraire : aucun enfant ne serait à attendre. Du coup, privé de son fondement, le mariage serait littéralement en porte-à-faux.
Sur le point de fait de savoir quelle serait l’ampleur du changement, il n’y a aucun doute : le mariage actuel ne serait pas modifié, mais dénaturé.
Les partisans du changement en sont si conscients que tout leur effort consiste à tenter de le faire oublier.
Pour essayer d’identifier le mariage homosexuel au mariage actuel, ils soulignent que demain, comme aujourd’hui, il s’agira de célébrer l’amour d’un couple. Que deux individus s’aiment d’amour tendre et veuillent en prendre à témoins le public et la République, voilà qui devrait suffire à fonder le mariage.
Malheureusement pour eux, c’est insoutenable. Outre qu’il serait inutile, un tel mariage serait inopérant. Jamais les amants n’ont eu besoin d’un décor de mairie ou d’une écharpe tricolore pour célébrer leur amour. Quant à la République, elle a beau être bonne fille, que sait-elle de l’amour pour s’en faire juge ? Si elle a compétence pour sanctionner un contrat, depuis quand aurait-elle reçu pouvoir de certifier une passion amoureuse ?
Reste à soutenir, qu’à l’égal d’un couple hétérosexuel, un couple homosexuel peut former un projet d’enfant, puisque, à défaut de ceux que la nature lui refuse, il a aujourd’hui pour le réaliser ceux de l’adoption ou de la procréation médicalement assistée.
La difficulté avec cet argument est que, quoi qu’on fasse, ce n’est jamais "à l’égal".
Faute, et pour cause, de présomption de fertilité, le couple homosexuel devrait y suppléer au moyen d’une déclaration explicite manifestant son intention d’avoir des enfants. Encore cette intention n’a-t-elle de chance de se concrétiser qu’avec le concours d’une tierce partie, ce qui fait toujours d’un ménage homosexuel qui veut des enfants une sorte de ménage à trois. Même en cas d’adoption, l’égalité serait encore loin d’être réalisée, car l’enfant adopté ne retrouvera pas dans le couple adoptif, s’il est homosexuel, la mixité sexuelle qui a forcément présidé à sa naissance.
Bref, le mariage homosexuel aura beau singer d’aussi près que possible le mariage hétérosexuel, il n’en sera jamais la copie conforme. À force d’artifices, on n’aura réussi qu’à substituer à la vérité du modèle le mensonge d’un faux.
S’il faut convenir que le changement proposé s’apparente à une révolution, est-il, au moins, permis de croire que cette révolution marquerait un progrès ?
L’intérêt du changement
Le mariage actuel n’est pas ce qu’il est seulement à cause de l’enfant, mais dans l’intérêt de l’enfant.
Par rapport à l’ensemble parents - enfant, l’État prend délibérément le parti du second : comme il est encore à venir et qu’il est, de toute façon, la partie faible, il serait sans défense si la société ne parlait pour lui. De là les responsabilités que le mariage met à la charge des parents, tant à l’égard de l’enfant que dans leurs rapports mutuels.
Si mari et femme se doivent aide et assistance, s’ils ont domicile commun, si la fidélité est au nombre de leurs obligations, c’est pour mieux garantir à l’enfant l’environnement stable qui lui est nécessaire. Si le mariage se définit comme l’union d’un homme et d’une femme, c’est que tout élargissement à plus de deux partenaires serait pour les enfants source de confusion et comporterait des risques d’inégalité entre eux. C’est aussi parce qu’on croit bon pour l’enfant qu’il y ait identité entre ceux qui l’ont engendré, ceux qui l’ont voulu et ceux qui entreprendrons de l’élever.
C’est cette identité qu’un couple homosexuel est hors d’état d’assurer. C’est une différence qui va loin. Elle oblige à minimiser la portée de l’acte de procréation pour placer au-dessus de tout le désir ou le projet d’enfant. C’est ainsi que, sous le noble prétexte de préférer l’amour au sexe, on en vient à placer le désir d’enfant au-dessus de l’intérêt de l’enfant.
Le principe une fois posé, il ne faut pas s’étonner des conséquences.
Le désir d’enfant peut naître dans un couple homosexuel aussi bien que dans un couple hétérosexuel et il y est ni plus ni moins légitime. Au nom de quoi, cependant, le borner à deux individus ? Pourquoi serait-il moins légitime s’il venait à un groupe composé d’un homme et de deux femmes ou davantage ?
Si le désir d’enfant commande, tous les moyens de le satisfaire sont bons. Pourvu que le but soit atteint, les homosexuelles auront toute latitude pour chercher la gamète mâle dont elles ont besoin ; même chose pour les homosexuels à l’égard des procédés de gestation pour autrui. Comment, alors, fermer la porte aux tentations de manipulation génétique et de marchandisation du corps ?
Le désir d’enfant réside, par définition, dans le chef des parents ; l’enfant n’y joue qu’un rôle passif. C’est pourquoi on se permet de transférer l’enfant adopté de son cadre originel, nécessairement hétérosexuel, dans un cadre homosexuel sans se demander si c’est ce qui lui convient. Mais il y a plus grave. Que se passera-t-il si le désir change ou disparaît ? Ou si l’enfant se trouve ne pas répondre aux spécifications du désir ?
Toutes ces conséquences, tous ces dangers proprement abyssaux, procèdent d’une même cause : l’altération de ce qui fonde le mariage. Le mariage présent fait tout reposer sur l’intérêt de l’enfant, le mariage homosexuel sur le désir d’enfant. Ce qui est en jeu ici, ce n’est rien d’autre que la conception de l’enfant. Quand on invoque l’intérêt de l’enfant, on suppose que l’enfant est sujet ; quand on le soumet au désir d’enfant, on fait de lui un simple objet. Dans un cas, l’enfant est traité par anticipation comme une personne ; dans le second, il fait figure de jouet, même si c’est un jouet de luxe.
Notre civilisation s’honore de maintenir que la haute idée qu’elle a de l’homme vaut par extension pour ce petit d’homme qu’est l’enfant. Comment ne se déshonorerait-elle pas en dérogeant à ce principe ? Et comment, avec le déshonneur, n’en subirait-elle pas aussi les désastreuses conséquences ?
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