mercredi 20 février 2013

0 Le courage et la peur


Il y avait eu des manifestations presque tous les jours pendant le mois de janvier 1934. […] Pourtant, l’habitude aidant, on ne pensait pas que le 6 février serait plus grave que d’autres journées. […] Ceux qui s’alarmaient n’étaient-ils pas des peureux? […]
A onze heures et demie, en sortant du théâtre, un spectacle singulier nous arrêta soudain: à l’horizon, quelque chose de lumineux dansait, au-dessus des têtes, semblait-il. Nous regardions sans comprendre ce feu balancé et noir: c’était un autobus, au Rond-Point, que l’on renversait. Et soudain, comme nous avancions, une foule énorme reflua soudain sur nous, des automobiles chargées de grappes d’hommes et de femmes roulèrent à grands sons de trompe, de vielles dames se mirent à courir, les jambes à leur cou. Nous comprîmes que ce n’était pas une manifestation, mais une émeute. Il y avait longtemps que Paris n’avait pas vécu une nuit pareille. Des milliers de gens, cette nuit-là, ne se couchèrent pas, ils erraient dans le vent froid, tout le monde se parlait, les ouvriers, les bourgeois, et des hommes disaient: - Nous reviendrons demain avec des grenades!
Et il n’y avait plus d’opinions, et les communistes s’accordaient avec les nationalistes, et le matin l’Humanité avait publié un appel pour demander à ses troupes de se joindre aux Anciens Combattants. Une immense espérance naissait dans le sang, l’espérance de la Révolution nationale, cette Révolution dont le vieux Clemenceau avait dit qu’elle était impossible “tant que les bourgeois ne se seraient pas fait tuer place de la Concorde”. Elle se formait à travers cette nuit tragique, où couraient les bruits les plus divers, la démission du Président de la République, l’annonce de centaines de morts, la griserie, la colère, l’inquiétude. Au Weber, les blessés étaient étendus, et Mgr de Luppé, avec ses ornements épiscopaux, venait les bénir. Le couple divin, le Courage et la Peur, comme l’a écrit Drieu la Rochelle qui a si bien senti cette nuit exaltante, s’était reformé et parcourait les rues.
Aujourd’hui, nous pouvons penser que le 6 février fut un bien mauvais complot. Ces troupes bigarrées, jetées dehors sans armes, écoutaient leur seul instinct et non pas un ordre précis. Au centre, où aurait pu se trouver une direction, il n’y avait rien. On saura peut-être plus tard les négociations, les entrevues, auxquelles s’étaient décidés quelques chefs, dans les jours qui avaient précédé, ou ce jour même. Mais la foule les ignorait, et la suite montra bien que tout était vain et mal préparé. Au matin du 7, Paris lugubre comme nous ne l’avons jamais vu, les marchands de journaux assiégés (beaucoup de feuilles n’avaient pas eu le temps d’adopter une version officielle des événements, donnaient leur première page à la majorité de la Chambre), on apprenait peu à peu la démission du ministère, et, contradictoirement, les perquisitions ou les enquêtes auprès des chefs nationalistes. L’après-midi, comme j’étais seul à Mil neuf cent trente-quatre , Paul Bourget me téléphonait pour me demander s’il était exact que Maurras était arrêté: c’est la seule fois où je l’ai entendu, il avait une voix essoufflée où tremblaient des larmes. Mais déjà on annonçait l’arrivée du pacificateur, de M. Doumergue, ancien président de la République, dont le sourire était aussi célèbre que celui de Mistinguett. Le régime usait de l’un de ses vieux tours favoris. […]

Robert Brasillach, Notre avant-Guerre.

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire

 

Action Française Bordeaux - Action Française Etudiante Bordeaux Droits reservés © 2012 - |- Modèle créé par O Pregador - |- Propulsé par Blogger Templates